Restos / Bars

Montagnes Pyrénées, vous êtes mes amours : Le Jurançon

On trouve de tout rue Saint-Zotique, même un descendant d’Henri IV, gastronome généreux.

Quelquefois, la magie opère pour des détails tout simples. La simplicité, par exemple. L’absence totale de prétention, de frime et de faux-semblant. Le Jurançon se classe d’office dans la catégorie "Bonne petite table où l’on aimera venir prendre un repas pas compliqué, de bonne qualité, et dans une ambiance détendue." C’est la catégorie du coeur autant que de l’estomac.

Un samedi soir pluvieux du mois d’août. La chaleur écrasante est allée écraser ailleurs et les clients ont l’air plus légers de cette absence de couvercle sur la ville. La musique fait penser à quelque bal musette du Sud de la France et l’accent du serveur confirme qu’il vient plus certainement de Tarbes ou de Foix que de Jonquière ou de Repentigny. Sourire, paix et bonne humeur. Quand on pousse la porte de ce tout petit restaurant de quartier, les fumets de canard et de champignons sauvages donnent à la rue Saint-Zotique des airs pyrénéens, ce qui relève quand même, avouez-le, du tour de force.

Avec cet accent chantant qui hésite entre les versants espagnols et français des Pyrénées, le garçon prodigue également des conseils avisés: "Prenez le jarret d’agneau aux citrons confits, madame; ce soir, il est particulièrement réussi." Madame Cécile prend effectivement le plat, qu’elle hume longuement les yeux mi-clos lorsque l’assiette arrive. Sourire, paix et bonne humeur confirmés. C’est la souris, morceau de choix que se réservent souvent les bouchers tant la pièce est tendre et goûteuse. Accompagnée de jeunes légumes, celle-ci exhale de superbes élans de fines herbes que viennent renforcer les pointes caractéristiques du citron confit. Commentaire de Cécile: "C’est très, très bon." Ce qui, traduit en français international pour celles et ceux qui ne pratiquent pas la langue de bois précieux des septuagénaires du Val d’Oise (préfecture: Cergy-Pontoise; sous-préfectures: Argenteuil, Pontoise, Sarcelles), signifie: "Quelle surprise de trouver dans un endroit aussi improbable, une cuisine aussi intéressante! Surprise supplémentaire de constater que ce jeune homme, à l’accent méridional par ailleurs fort sympathique, prépare ses jarrets avec une évidente délicatesse."

"Si vous êtes amateur de bavette, je vous conseille la bavette de boeuf marinée, légumes et frites maison, un classique de la maison." Comme la maison est ouverte depuis quelques mois à peine, on admire l’enthousiasme du garçon pour le "Classique de la maison", mais on doit concéder que le plat est d’une impeccable rigueur. Viande savoureuse, juteuse à souhait et cuite tel que spécifié. Frites croustillantes et tendres au coeur, petits légumes à peine passés à la vapeur pour les attendrir et les rendre attendrissants.

Aux tables voisines, règne une authentique bonne humeur; celle qui flotte légèrement sur les repas pris entre amis, à la bonne franquette sur une nappe carottée; celle qui distingue ces soirées où tout se passe bien et où les surprises sont bonnes, de l’entrée jusqu’à la sortie.

La carte des vins du Jurançon témoigne du même souci de vouloir faire plaisir aux clients, des choix guillerets et pleins de retenue qui, s’ils risquent de laisser sur leur soif les grands manieurs de tastevins locaux, rempliront de bonheur les petits buveurs occasionnels pour qui le verre de vin est une pincée supplémentaire de plaisir assaisonnant un repas. "Avec ce que vous avez choisi, je vous suggérerais le Monticello Crianza, un petit rouge espagnol parfait." Comme dit l’adage: "Il vaut mieux boire un petit vin avec des amis qu’un grand vin seul." Le Monticello était effectivement idéal pour les circonstances.

Trois desserts, mousse au chocolat, crème brûlée et tatin, confirment que le cuisinier de la maison cuisine comme à la maison. Avec toutes les qualités attribuables à la chose, l’absence totale de complication figurant en tête de liste. On ressort de ce Jurançon rassasié, l’esprit en paix et l’âme légère. Une grande partie de cette félicité est attribuable au travail remarquable du garçon, en l’occurrence patron de la maison, dynamique Palois qui communique sa bonne humeur et sa joie de vivre. Comme le cuisinier travaille avec les mêmes intentions, on comprend que l’endroit soit fréquenté par des clients heureux.

Le Jurançon
1028, rue Saint-Zotique Est
514 274-0139

Ouvert à midi du mercredi au vendredi et le soir du mercredi au samedi. À midi, comptez une trentaine de dollars pour deux personnes avant boissons, taxes et pourboire. Le soir, doublez. Dans les deux cas, égal plaisir garanti.