Dans les cuisines du magnifique restaurant Panache de l’Auberge Saint-Antoine, le chef exécutif François Blais s’affaire depuis 2003 à sa mission: revisiter la cuisine québécoise. Un beau défi pour ce jeune cordon-bleu qui a fait ses premières armes devant la friteuse lors des wings nights au Cactus de Sainte-Foy, pendant ses études en foresterie, et qui compte sur son CV de nombreux restaurants réputés, tels La Pinsonnière, l’Auberge du Mange Grenouille, L’Eau à la bouche, le Canard huppé et le Laurie Raphaël.
Sympathique, volubile, posé, François Blais expose sa démarche actuelle avec moult détails: "L’Auberge Saint-Antoine est considérée comme le premier hôtel-musée au monde, car des artéfacts y sont exposés. Au Panache, on est donc partis de cette thématique-là. On veut faire un lien entre l’hôtel, l’histoire et notre cuisine. On ne pourrait pas faire de la cuisine moderne dans ce lieu, ça n’aurait aucun sens. Et l’histoire de la cuisine québécoise est riche: d’abord, il y a eu les Amérindiens, puis les colons sont arrivés avec leur cuisine, surtout française, mais aussi un peu irlandaise et écossaise. Ils ont dû l’adapter à nos hivers longs et rigoureux. Ils mangeaient beaucoup de viande rouge, que les ménagères utilisaient souvent pour faire des mijotés."
Cette façon de cuire les aliments lentement et longtemps s’inscrit donc parfaitement dans le mouvement du comfort food, très populaire actuellement. "On s’y inscrit, mais sans avoir voulu le faire. C’est vraiment un hasard", précise le chef.
Selon lui, la restauration est rendue à cette étape, après les modes de la cuisine de brasserie et du mouvement minimaliste. "Aujourd’hui, tout le monde est plus pressé. Il faut offrir une belle expérience aux gens qui viennent manger au resto en les touchant dans leurs souvenirs, en les réconfortant. La restauration évolue un peu vers le principe de base de l’auberge, où le passant arrêtait pour manger une soupe chaude, un morceau de pain et prendre une rasade de vin. Et puis les gens ne veulent plus payer des prix de fou pour ne rien avoir dans leur assiette, puis partir en se disant que c’était bien bon, mais qu’ils n’ont rien compris à ce qu’ils ont mangé."
"Personnellement, j’aime beaucoup les plats mijotés. L’hiver, il n’y a rien de mieux: tu vas faire du ski avec des amis, tu pars un bouilli, tu mets ça au four à 15h, tu vas skier, tu reviens à 20h, et c’est prêt!" S’il fréquente assidûment les marchés pour faire ses provisions, François Blais avoue qu’il risque de s’y rendre un peu moins souvent, car le Panache possède maintenant une terre à l’île d’Orléans, où seront cultivés divers fruits et légumes. "On est présentement en année-test", indique-t-il.
Quant aux recettes qu’il propose ici, il s’agit de variations sur des plats ancrés depuis longtemps dans le paysage culinaire québécois: le pâté chinois et la croustade aux pommes. "Le hachis Parmentier – le traditionnel -, ça me rappelle les dimanches après-midi chez ma grand-mère, évoque-t-il. Je n’ai rien inventé à la cuisine, tu sais. J’utilise diverses sources d’inspiration, notamment des livres de recettes traditionnelles, comme La cuisine raisonnée, qui date du début des années 1900. J’y trouve parfois de belles idées."
Hachis Parmentier de lièvre sauvage du Québec glacé au fromage de chèvre
(pour 4 pers.)
2 cuisses de lièvre
200 g de mirepoix coupée en petits cubes: céleris, carottes, oignons, poireaux
20 g de lard salé coupé en petits cubes
1 gousse d’ail hachée
100 ml de vin rouge sec
200 ml de fond brun de gibier
bouquet garni: poivre en grains, thym, laurier, baie de genièvre
1 poireau émincé finement
30 g de beurre
1 grosse pomme de terre
1/2 céleri-rave
160 g de fromage de chèvre frais
sel et poivre
Braiser les cuisses de lièvre avec le vin, le fond, le lard, l’ail, la mirepoix et le bouquet garni environ 3h à 340 ºF. Filtrer le jus et assaisonner; ce jus servira de sauce.
Confectionner une purée bien sèche avec le céleri-rave et la pomme de terre.
Effilocher la viande de lièvre en prenant soin de ne pas laisser de petits os. Mélanger la viande et le poireau préalablement tombé au beurre et rectifier l’assaisonnement. Partager la viande dans quatre petits moules allant au four, remplir avec la purée et terminer avec une couche de fromage de chèvre. Passer à broil jusqu’à ce que le dessus soit blond-doré. Servir dans un bol creux avec le jus de cuisson.
Pommes de l’île d’Orléans, confites au beurre et en crumble
Pommes confites au beurre
4 pommes Cortland sans coeur (mais dont on prend soin de garder la forme originale)
500 ml de beurre clarifié (sans petit-lait)
1/2 gousse de vanille fraîche
Dans une casserole, chauffer le beurre avec la vanille jusqu’à 140 ºC. Plonger délicatement les pommes et cuire environ 15 min, jusqu’à ce qu’elles soient légèrement dorées et bien tendres (la casserole doit être assez grande pour que le beurre ne déborde pas, mais assez petite pour que le beurre recouvre complètement les pommes). Retirer du gras et servir aussitôt.
Crumble
50 g de farine
50 g de cassonade
30 g d’amandes en morceaux
30 g de beurre demi-sel
Bien mélanger les ingrédients et cuire au four sur une tôle à pâtisserie jusqu’à ce que ce soit blond. Réserver.
Pommes en crumble
4 pommes Cortland ou Golden coupées en dés de 1 cm
50 g de beurre
Faire sauter les pommes au beurre jusqu’à légère coloration. Débarrasser dans 4 petits plats allant au four.
Crème d’amandes
50 g de beurre ramolli
65 g de sucre glace
65 g d’amandes moulues
5 g de fécule de maïs
15 ml de Sortilège (liqueur de whisky et de sirop d’érable)
1 oeuf
Bien mélanger le beurre, ajouter les ingrédients secs et terminer par l’oeuf et le Sortilège. Étendre une bonne quantité sur les pommes, puis ajouter une couche de crumble. Cuire au four à 350 ºF environ 12 min.
Servir avec les pommes confites au beurre et une boule de glace à l’érable.