Mieux, bien mieux que la dernière fois. Nous nous le disons et nous le répétons. Lors de ma dernière visite ici, qui remonte à deux ans, un homard en sauce vraiment sucrée (eh oui!) m’avait laissé plus que perplexe. Qui plus est, ce soir-là, une fébrilité inexplicable régnait des deux côtés du comptoir séparant la salle à manger des cuisines – ceci expliquant peut-être cela. Et voilà qu’aujourd’hui, un souper ensoleille ma soirée (faut le faire!) et m’accroche au visage un sourire que je trimballerai jusque dans mes rêves. Des sourires? Il y en a tout plein: à l’accueil, durant le service et au moment de l’au revoir. À notre arrivée, il y a encore peu de clients dans la salle. Tout à coup, on en voit arriver un, puis deux, puis d’autres. Et, comme si tout cela avait été orchestré, des odeurs chaudes, discrètes et d’autant plus alléchantes, se répandent dans la salle. À ce moment-là, mon invitée a déjà entamé son premier verre de tokay (Pfaffenheim, pinot gris 2005) et mon mousseux (La Grande Cuvée) me titille la langue de ses premières bulles. Sur le tableau noir apporté près de notre table et sur la carte posée devant nous, nous avons mentalement jonglé avec différentes possibilités déclinées en termes de moules marinières, saisie de caille et tatin d’endives, mignon de veau (brie, pleurotes et asperges), confit de canard landais, pétoncles, pavé de marlin grillé aux pommes et gingembre, gâteau de crabe à la crème de mangue. Tataki de thon? Croustillant de saumon au chèvre? Fricassée de poissons? Tout nous tente, c’est voulu. Pour douloureux que s’avère le choix, nous ne le regrettons pas. Grandiose: pas d’autre mot pour décrire l’entrée servie à mon invitée. Il s’agit d’un parmentier de confit de canard (à l’huile de truffe) coiffé d’une tranche de foie gras. La présentation étagée plaît à l’oeil, le parfum de truffe vous alerte les sens, votre fourchette part en reconnaissance… et vous clignez des yeux pour vous convaincre que vous n’avez pas la berlue. Un parfait équilibre de saveurs, des nuances subtiles de texture: que demander de plus? À côté, je croyais ma propre entrée prosaïque; c’était avant d’y avoir goûté. J’ai là des ris de veau, parfaitement dénervés, poêlés aux chanterelles. Du bonheur en pépites! Dans une sauce brune qu’on mangerait seule à la cuiller. Prévoyante, mon invitée s’est contentée pour la suite d’une demi-portion de fusillis. Une huile parfumée à la citronnelle et au gingembre, et rehaussée de coriandre, lie harmonieusement les divers ingrédients: pâtes, grosses crevettes, shiitakes et noix de cajou. Cela vous maintient (ou presque) sur le nuage où vous avait propulsé le premier service. J’ai droit pour ma part à une sole de Douvres – immense, dorée, semée de persil ciselé. Elle s’accompagne de grosses asperges cuites à point, donc croquantes et savoureuses, de chou-fleur (je n’y ai pas goûté) et d’une tomate dont j’ai aussi fait peu de cas, préférant affronter le poisson. En viendrai-je à bout? Les motivations ne manquent pas: présentation d’une belle simplicité, cuisson parfaite, chair exquise et fumet racoleur. Quand l’appétit commence à rechigner, je le distrais d’une gorgée de mousseux et me remets à l’oeuvre en douce, à petites bouchées. Mon assiette ne repart pas vide; du moins, pas tout à fait. À peine si je peux, après cela, goûter du bout des lèvres le "moelleux aux amandes, citron vert et son crémeux" choisi par mon invitée pour s’assurer un atterrissage en douceur.
Restaurant Le Bistango
1200, avenue Germain-des-Prés
Sainte-Foy (Québec)
Téléphone: 418 658-8780
Menu du jour: 11 à 16 $
Table d’hôte: 27 à 35 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 123,01 $
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NUTRITION GOURMANDE
"En quelques mots, le livre que vous tenez entre vos mains est un outil de convivialité gourmande, afin que santé et nutrition se conjuguent au présent": les auteurs concluent ainsi l’introduction de leur ouvrage Nutrition gourmande lancé la semaine dernière. Certains se disent parfois agacés par le souci obsessionnel de la "santé" qui caractérise notre époque et qui connote encore pour eux l’idée de sacrifices presque rituels, dont l’ingestion de mets bizarres, sans couleur et sans goût. Pourtant, chefs et nutritionnistes s’emploient depuis quelque temps à reléguer aux oubliettes ces images déprimantes. Thierry Daraize et Isabelle Huot sont de ceux-là. Un livre de plus sur le sujet? Certes, mais original dans sa conception: "Chaque chapitre traite d’un problème de santé […] Toutes les recettes sont élaborées en fonction de critères nutritionnels stricts, spécifiques à chaque chapitre." Vous croyez vous ennuyer? Erreur. Les magnifiques photos en couleurs vous mettent l’eau à la bouche; les mariages, les alliances, les rapprochements surprennent… et vous donnent naturellement l’envie d’essayer, soit "Le fraise tomate" (p. 40), soit le "Tartare de pétoncles et papaye" (p. 48), soit encore l’"Espadon au thé vert" (p. 136). Chacune des 65 recettes est suivie de la "Nutri-note d’Isabelle" et renvoie à d’autres passages du livre traitant du même "problème" ou d’un sujet qui lui est apparenté (surpoids, bon et mauvais gras, radicaux libres, etc.). Si la question des calories, lipides, glucides et autres vous ennuie, vous n’avez pas à vous en préoccuper: on s’en est chargé pour vous. Restent alors les motifs de contentement. Du point de vue de sa structure, Nutrition gourmande est tout aussi… équilibré. Il comporte huit chapitres "consistants" et se complète d’une bibliographie, d’une annexe et de mots de remerciements, à quoi s’ajoutent l’index des recettes et celui des termes spécialisés. C’est le fruit appétissant d’une complicité intransigeante, si l’on peut dire, aucun des deux auteurs ne faisant de compromis – lui, sur la gourmandise; elle, sur le plan de la saine alimentation. Thierry Daraize et Isabelle Huot, Nutrition gourmande – propos et recettes, Montréal, Les Éditions Publistar, 2006; 192 pages.