Quand j’ai découvert Marcus, le restaurant s’apprêtait à ouvrir; c’est la boucherie qui m’avait attirée là. Un très beau lieu, coin Gréber et Maloney, dans le secteur Gatineau, où l’on ne soupçonnerait pas tant de délices. Les viandes sont belles, les produits fins comblent les désirs les plus fous. Et que dire du somptueux comptoir de fromages et de charcuteries: si M. Henri se tient derrière, attention, c’est un as de la séduction qui vous transportera au septième ciel… gustatif! J’en ressors toujours le portefeuille léger… mais ô combien heureuse! Une délicieuse thérapie contre la déprime automnale.
Devant tant de bonté et de beauté, j’ai trouvé fort longs les quelques mois de rodage que je voulais accorder au restaurant. Le grand jour est enfin arrivé! La salle lumineuse profite d’un décor où le bois, le verre et la pierre apportent chaleur et sobriété. On est loin des bars sportifs et autres pizzerias du coin, bien que le niveau de bruit s’en rapproche parfois: la salle aux plafonds vertigineux est très écho, rendant le tête-à-tête périlleux. L’accueil est sympathique, mais manifestement pris de court par la popularité de l’endroit. En ce vendredi soir pluvieux et froid, la salle de 150 places est pleine à craquer; on est d’ailleurs en train d’agrandir – empiétant malheureusement sur la boucherie – pour ajouter un salon privé dont pourront profiter les groupes.
Qui dit boucherie dit viande. Le restaurant fait donc la part belle aux grillades. On propose aussi salades, pâtes et poissons. À vrai dire, le menu peut laisser perplexe: on ratisse large, du wapiti aux ailes de poule, entre la fine cuisine et le resto familial. Mais le défi étant entre les mains du chef Jean-Pierre Bourghart – celui-là même qui m’a procuré tant de joie au Lounge de l’Hôtel ARC, entre autres -, j’aborde la chose avec confiance. Viandes et sauces sont exécutées avec l’assurance d’un homme de métier et la finesse d’un artiste. Un faux-filet sauce au vin rouge et un médaillon de wapiti fumet de gibier au xérès font le bonheur de notre dent carnivore.
Mais avant d’arriver à ces viandes, nous avons dû subir un service d’une familiarité et d’une approximation désolantes qui, ajouté à quelques déceptions culinaires, a franchement gâché l’expérience. Alors que pétoncles géants et salsa épicée à l’ananas étaient corrects, mais manquaient de fondant, la jolie salade Marcus – verdure fine, tomate légèrement confite, fondante et finement sucrée, pecorino, basilic et vinaigrette de citron confit – manquait de cette petite touche croquante et salée que devait lui ajouter une pancetta absente. Le faisant remarquer à notre serveuse, celle-ci revient avec une assiette de belle pancetta bien grasse… et crue! Dans un même esprit, un bâtonnet de plastique sera plongé dans l’un de nos verres à vin parce qu’au moment de servir "deux vins rouges, ça se ressemble beaucoup"… Soir de malchance, me direz-vous? Peut-être. Mais quand on paie 32,95 $ pour un médaillon de wapiti, ce n’est pas pour devoir expliquer deux fois à notre serveuse ce qu’est du wapiti, ni pour trouver dans notre assiette les mêmes légumes que dans celles des voisins, dont un gratin de pommes de terre outrageusement desséché…
À 67 $ pour deux, avant vin, taxes et pourboire, c’est le coeur gros que je suis repartie de chez Marcus. Moi qui rêvais de louanger encore et encore la cuisine du chef Bourghart, c’est partie remise.
Chez Marcus
325, boul. Gréber, Gatineau
Tél.: 819 243-4000
www.chezmarcus.ca