Restos / Bars

Laloux : Qui a volé le vrai Laloux?

Comment remplacer un chef par un cuistot et un excellent restaurant par une cantine médiocre.

On a connu ici de très belles soirées; gastronomiquement parlant. Cette salle, une des plus belles dans le genre à Montréal, élégante interprétation de la brasserie française chic. Cette lumière magique des midis, été comme hiver. Ce service assuré avec une certaine classe. Ce chef capable de sortir des plats goûtés mille fois et pourtant recréés grâce à du talent et du travail.

C’était avant. De tout cela ne restent aujourd’hui que l’enveloppe et le soleil qui ose à peine entrer par les grandes portes voûtées. De cuisine on ne peut parler, car on a maintenant la très nette impression qu’une des gargotes des rues Duluth ou Prince-Arthur voisines a installé ses mauvaises casseroles ici.

Il y avait avant une carte, un menu, des choix intéressants de plats classiques. On se sentait partis dans une belle aventure, un beau voyage comme en proposent les bonnes maisons. Aujourd’hui, cette table d’hôte convenue, presque ridicule de son vide gastronomique, inquiète. Tout autant que cette pseudo-mousse de foie servie en amuse-bouche. Ma bouche s’est rarement aussi peu amusée que ce soir-là.

"Excusez-moi Mademoiselle, ça fait un certain temps que je ne suis pas venu souper ici. Je ne reconnais rien de ce qui faisait ce restaurant sur ce menu. Pouvez-vous m’expliquer ce qui s’est passé?" – "On a décidé de simplifier et on n’offre plus que la table d’hôte du soir." C’est dit avec la gentillesse qui caractérisera le service plus tard. Le repas n’est pas commencé que déjà je reste sur ma faim. Sur les quatre plats retenus à ma table, deux ne sont pas disponibles. On est pourtant en début de soirée un vendredi et je suis inquiet pour les clients qui viendront plus tard.

Tartare de saumon et flétan aux aromates; c’est pratique comme appellation, "aromates" incluant une gamme assez large d’éléments. Assiette insignifiante et qui fait plaindre à titre posthume les pauvres poissons sacrifiés pour cette mascarade.

Foie gras de canard poêlé au muscat, marmelade d’orange. Pour 17 $, on s’attend à voir un canard bondissant, cajolé de bon muscat. L’assiette est froide, le plat tiède et c’est une idée très vague de muscat qui traîne dans le fond de l’assiette.

Blanc de flétan à la compote de fenouil. La chair du poisson est belle, blanche et tendre sous une légère dorure. C’est la seule chose positive qui arrivera dans les assiettes ce soir-là. C’est peu, me semble-t-il.

J’ai une faiblesse pour les ris de veau. Quand on fait le métier de critique de restaurant, il y a des plats comme celui-ci qui constituent des indicateurs très fiables. Il y avait quelques morilles dans l’assiette. Il y avait aussi beaucoup de sable pour si peu de champignons. Les ris avaient été saccagés à la cuisson, trop d’huile, pas assez de ris et ceux qui s’y trouvaient avaient sûrement été arrachés à un veau un peu chétif et malade. Sans doute la pauvre bête pressentait-elle la pathétique assiette où elle allait finir.

Avec deux plats principaux aussi fondamentalement différents, viennent les mêmes accompagnements, légumes aux découpes calibrées, dignes de figurer sur un plateau de cafétéria d’hôpital. Inexplicable et inacceptable.

Deux desserts manqués: crème brûlée, froide et parfumée à Dieu sait quoi; nougat froid qui est resté dans l’assiette, car il y a une limite à la bonne volonté du client qui veut bien faire un effort pour goûter, mais cette limite était dépassée depuis longtemps.

Je suis sorti de chez Laloux plein de tristesse, car j’aimais vraiment cet endroit autrefois. Pas que j’y vienne très souvent, mais chaque visite était un moment de plaisir à table. Ce qui fut loin d’être le cas cette fois-ci. Triste, terriblement déçu et furieux de m’être fait berner. Le chef n’est plus là, même si le site Internet de la maison utilise encore son nom et sa photo. Et en partant, le brave homme a emporté tout ce que la maison avait d’intéressant à offrir aux amateurs de bonne cuisine.

Cette maison m’avait déjà abusé une fois avec Pop, son annexe, où oeuvrait une vraie bonne chef, virée peu de temps après mon passage; sans doute pour d’excellentes raisons que j’ignore. Je sais par contre qu’elle ne fut pas remplacée. Et l’on recommence maintenant avec le chef Besson, parti lui aussi sans qu’un vrai chef ne reprenne les fourneaux. Mais que se passe-t-il donc ici? J’ai dit beaucoup de bien de cette très belle adresse autrefois. J’étais tout à fait sincère. Tout le mal que j’en pense aujourd’hui est malheureusement tout aussi plein de sincérité. Je vais de ce pas prendre un Pepto Bismol.

Laloux
250, avenue des Pins Est
514 287-9127

Ouvert à midi du lundi au vendredi et en soirée toute la semaine. Une cinquantaine de dollars à midi pour deux personnes avant boissons, taxes et service, le double en soirée. Cette soirée, l’une des pires de la dernière année à table, aura coûté 150 dollars avec deux verres de petits vins. Du gaspillage. Au moins, cela aura servi à vous mettre en garde.