Restos / Bars

Zeste de folie : Douce folie rue Masson

La potion magique disparaît pour céder sa place au zeste de folie.

Vous ne pouvez pas le manquer. Après l’église Saint-Esprit, une boulangerie Première Moisson assez vaste pour accueillir un gros Airbus au moment du changement d’huile et, tout de suite après, un minuscule restaurant: Zeste de folie. Juste le nom donne envie de voir comment on peut être fou, mais juste en zeste. La petite affiche "Apportez votre vin" finit de convaincre. On entre.

Les gens du quartier connaissent l’endroit qui a abrité plusieurs restos au cours des dernières années, le dernier en date s’appelait La potion magique. C’était pas mal non plus comme programme d’activités; activités festives, comme avec ce zeste de folie. La salle est tout en longueur, décorée gentiment, c’est-à-dire suffisamment pour être élégante et pas trop pour que le client craigne que ses sous aillent payer rideaux et luminaires.

Un dimanche soir d’automne frisquet et pluvieux, la salle est pourtant pleine, signe encourageant. Encore plus, puisque les clients semblent, pour la plupart, des habitués. Petite musique d’accompagnement et, virevoltant de table en table, la patronne. Bon pied, bon oeil, elle accueille les nouveaux venus, explique les choix de la table d’hôte, prend les commandes, suggère tel plat à l’un et tel autre à sa voisine, va à la cuisine, revient les bras chargés de plats parfumés, verse l’eau, porte le pain, etc., etc., etc. Une force de la nature. Et tout ça avec le sourire.

Un menu du soir et une table d’hôte. La patronne explique que peu importe ce que l’on (le client) choisit, on (la maison) s’arrangera pour tout arranger, les choix de la table d’hôte n’étant en fait que des indications, en aucun cas des diktats de la cuisine.

Crème de maïs à l’huile de vanille. Maïs et lait de coco donnent une texture surprenante, joyeuse sous la dent et soyeuse dans sa glissade; la vanille est à peine perceptible et ajoute une touche lumineuse au plat; pas trop de crème, pas trop de sucre, un bel équilibre pour partir du bon pied. De l’autre côté de la table, madame M., grande experte en la matière, comme en atteste la silhouette filiforme de ses nombreux enfants, teste la finesse du haricot vert. Délicatement croquants, car étuvés ou ébouillantés avec doigté, ils sont présentés en un petit ballot drapé de vinaigrette à la poire et anis étoilé. Deux entrées simples, mais témoignant de la présence d’un chef en cuisine et de son savoir-faire.

En plats principaux, de beaux médaillons de porc, très tendres et accompagnés d’une légère sauce aux pommes caramélisées et au cidre. Ici encore un bel exemple d’équilibre, visuel et gustatif. Le tajine de pintade aux olives, légumes et épices marocaines, servi sur couscous, est un peu lourd parce que trop généreux, mais tous les éléments composant le plat sont frais, tendres car cuits à la minute et forment un ensemble harmonieux. Même si la portion me parut, ce soir-là, un peu pantagruélique.

En desserts, puisque l’on est en automne, une pomme Golden braisée doucement au four, intérieur coulant au sucre à la crème, glace vanille de Tahiti. Délicieux et touchant de simplicité. Et, puisque la patronne nous en vante les vertus avec son enthousiasme qui ne s’émousse pas: la gourmandise du pâtissier. Quatre petits desserts servis sur une grande assiette: crumble pommes et gingembre, panacotta et coulis de fraises, cake à la banane, chocolat et mascarpone, et une très jouissive minuscule ganache au chocolat et romarin.

Il y a dans ce restaurant, en plus d’un chef, un pâtissier. J’ai remercié la patronne en partant. Je suis sûr que vous aussi serez touchés par autant de simplicité et par la qualité des plats servis ici. On se sent bien, pas pressés et tant de sollicitude de la part de la patronne semble donner le sourire aux tables, car elle en fait juste assez, jamais trop. Vous la remercierez sans doute à votre tour. Et le chef-propriétaire également qui, en plus de cuisiner, vient à l’occasion porter quelques assiettes en essayant de suivre le rythme de sa collègue.

Zeste de folie
3017, rue Masson
514 727-0991

Ouvert sept soirs sur sept. Apportez une bouteille sympathique d’un petit cru chaleureux; ça s’harmonisera parfaitement avec la maison, cuisine et service. Une trentaine de dollars par personne, c’est très raisonnable pour de la folie. Même en zeste.