"Pizza chic", on ressort de chez bottega avec cette impression. Une pizza que l’on aurait mangée en compagnie de Monica Bellucci ou de l’une de ces innombrables stars mâles du cinéma italien actuel. Pas Mastroianni ni Monica Vitti par contre, bottega étant résolument moderne; pas seulement à cause de son splendide four à pizza très design, deux tonnes carrelées de minicéramiques rouges Ferrari, ramené de la mère patrie et qui trône au fond de la longue salle. Il ne fait pas que trôner: à 600 degrés, il permet de sortir une pizza en 90 secondes – on croirait entendre l’équipe de mécaniciens de chez Ferrari.
Quelle que soit la star avec qui l’on aura soupé ici, elle aura apprécié tout en y contribuant à l’élégance des lieux. Tout ici est pensé en fonction du confort et de l’élégance. Pas ostentatoire, mais omniprésente; de la porte d’entrée au petit ramequin dans lequel on vous apportera plus tard des condiments de feu pour incendier votre plat si vous craignez de vous ennuyer, en passant par les chics verres Riedel. Le patron sait que le flacon fait l’ivresse et que le principe de McLuhan, "le medium, c’est le message", s’applique aussi à la cuisine et au cadre dans lequel elle est servie. Le patron lui-même est un modèle de chic italien, chemises taillées sur mesure et souliers de cuir fin étincelants.
Bottega est ouvert depuis quelques semaines et déjà on sent ici un air de resto de quartier établi. Un voisin passe chercher quelques plats pour accommoder de la visite impromptue, une tablée familiale soupe dans les rires, beaucoup de jeunes clients et clientes, signe prometteur. Le cadre est beau, beaucoup de lumière, salle vaste et décorée avec goût. De la belle vaisselle et des nappes de coton blanc immaculé, décorées plus tard de ronds de vin rouge, autant par le garçon nerveux que par le client joyeux. Le personnel est comme le patron, "chic and swell". On se croirait à Naples ou à Florence. Pas à Rome en tout cas, ici c’est beaucoup plus relax et personne ne vous toise inutilement.
Une carte recto-verso très simple. Sfizis d’un côté, pizzas et spécialités de l’autre. Les sfizis, petites entrées, se partagent entre convives. Croquettes de riz farcies avec prosciutto cotto et mozzarella ou saucisses maison accompagnées de rapini; boulettes de viande avec sauce tomate ou aubergines frites découpées en dés moelleux, tout est une invitation à la fête. Des parfums forts et qui aiguisent l’appétit, des textures franches, croustillant des arancini, les croquettes siciliennes, ou souplesse dodue des polpetta, les dodues boulettes de viande.
À peine le hors-d’oeuvre pris, le volume aux tables monte sensiblement. On sent les clients heureux et les bouteilles proposées par la maison contribuent à cette tranquille montée de l’allégresse générale. De beaux rouges très italiens, un peu costauds peut-être et requérant un passage viril en carafe.
Arrivent les pizzas. Le plaisir se confirme. Au-delà de tout ce que l’on peut poser dessus, l’art de la pizza réside dans la pâte. Lorsqu’elle est réussie, celle-ci peut se passer de tout. Celle de bottega est parfaite, du gâteau, souple et croustillante, parfumée et effacée, offrant dès lors un support à toutes les combinaisons possibles. Quand, en plus, on choisit les meilleurs produits pour compléter le plat, on est en route pour de grandes choses. La Provola, par exemple, est un modèle du genre, prosciutto cotto, champignons sauvages, provola fumée et basilic. Ici encore, le mot élégance vient à l’esprit tant le plat est équilibré et savoureux. Quattro formaggi tout à fait hors de l’ordinaire par le choix des fromages qui la composent et savoureuse Siciliana, riche de tomate, d’aubergines, de mozzarella et de basilic.
Dans les spécialités de la maison, inoubliable Tronchetto, pizza farcie avec une combinaison de fromages, présentée roulée en une sorte de long pain, cousin par sa forme de la ficelle française. Par la forme seulement, car pour ce qui est du goût, tout dans cette assiette est italien. De belles tranches très fines de prosciutto recouvrent la pizza et quelques feuilles de roquette complètent le tableau.
Des desserts faits maison, tiramisu qui ici vaut le détour, tartes aux poires ou aux pommes, bombe au chocolat et noix qui réveille le gourmand en vous. Viennent les cafés qui, ici aussi, passent haut la main le test du barrista allumé. Et la grappa réconfortante. La soirée s’achève dans la joie. Et dans le plaisir retrouvé de découvrir un endroit où le client se sent choyé et considéré. Même Zizou aimerait ça. C’est vous dire.
bottega
65, rue Saint-Zotique Est
514 277-8104
Ouvert en soirée du mardi au dimanche. Entrées de 2 à 12 $, plats principaux de 10 à 15 $. Tout concourt ici à vous faire prolonger la soirée fort tard, cuisine, service et décor. Et vous aurez, par moments, l’impression d’être dans un bon film italien. Ce qui n’a pas de prix.