Pourquoi ce nom anglais? Pour faire… asiatique, m’explique-t-on, vu les nouvelles tendances de l’établissement – sushi, sashimi, Bento Box et consorts conférant à la carte un exotisme de bon ton. Et aussi une petite allusion à Ginger Rogers, peut-être? La réponse de notre serveuse nous semble affirmative et nous en cherchons la confirmation, mon amie et moi, dans certains détails qui évoquent d’autres temps: rideaux faits de "pastilles" translucides, colonne à encavure de mosaïque, banquettes de suède et, un peu plus loin, le bar illuminé d’un bleu "électrique". D’autres éléments du décor sont bien d’aujourd’hui, les grands écrans de télévision (du sport en continu!), les tables, les chaises, la verrerie… et la musique (plutôt rock) omniprésente dans cette immense pièce plongée dans une quasi-pénombre. On s’entend parler, bien sûr, à condition d’être attentif. L’ambiance ne se prête pas vraiment aux soirées romantiques. "Penses-tu qu’on aura droit à au moins une chanson en français?" Mon amie sourit d’un air énigmatique et ouvre ostensiblement la carte oblongue posée devant elle. Je m’octroie une gorgée de Heineken et m’égare à mon tour parmi les nigiri, maki, anguille, escolar (rouvet), pieuvre. À ces bouchées japonaises succède la rubrique des entrées, salade de pousses d’épinards, rouleau de canard confit… Plus loin, ce sont les "parallèles de crevettes au parfum d’Orient", filet de tilapia et crevettes au gingembre, saisi de pétoncles, mignon de porcelet aux écorces d’orange, médaillon de cerf rouge aux 12 épices, sans parler des "planches découverte" combinant des spécialités maison. Entre-temps, ma compagne s’est décidée pour un verre d’Etchart blanc. Nous trinquons, puis je saute à la rubrique des tapas – légumes gratinés, crevettes au parfum d’Asie, thon grillé, pomme de terre farcie. Puis à celles des burgers, des pâtes, des pizzas. Souriante et attentionnée, notre jeune serveuse ne montre aucun signe d’impatience quand, à chacune de ses venues, nous demandons "encore quelques minutes". Mon amie se prononce finalement pour les calmars frits, alors que je me rabats sur le satay d’escargots. Les mollusques marins se présentent naturellement en rondelles finement panées. Choisis dans la rubrique des tapas (plutôt que dans celle des entrées), ils sont servis sans sauce, mais s’avèrent néanmoins délicieux, sans aucun excès de gras, et accompagnés de cresson frais. Quant à mon satay d’escargots, je dirais sans exagération qu’il me fait presque l’effet d’une révélation. L’aspect surprend: deux pogos, figés dans une planchette, qui se donnent l’accolade par-dessus un nid de cresson. La panure a si bon goût que, pour une fois, on l’aurait souhaitée plus épaisse! Une autre surprise suit immédiatement quand on arrive aux escargots, moelleux, assaisonnés avec un rare sens de l’équilibre et langés de prosciutto. J’en aurais fait tout un repas… au moins! Et je néglige même la sauce légèrement relevée qui pourtant leur va bien. Cela mérite une autre bière! Mon amie en profite pour commander un second verre de blanc. À la vue de nos plats de résistance, on croit avoir la berlue. Ils sont… gigantesques. Mon amie avait opté pour la pintade laquée au miel en imaginant une poitrine ou une cuisse; c’est presque la moitié du volatile qui, sur une sauce rosée, occupe le centre de l’assiette avec, autour, cresson, riz basmati, asperge, carotte et mange-tout. Pas très "laquée", à vrai dire. La première bouchée désarçonne un peu; on dirait du poulet… cacciatore. Mais, un peu plus loin, la chair s’affine, des nuances de goût se précisent et se mêlent à la saveur (trop) discrète du miel. Bon, certes, mais rien d’éblouissant. Les choses se passent différemment pour moi. Belle dans sa démesure, mon assiette héberge une longue rangée de "côtes levées fumées maison", d’un brun sombre, luisant, ragoûtant, bordée de grosses frites maison, de cresson, d’une carotte (trop vite retirée du feu), d’une asperge cuite à point, de mange-tout, etc. Quelque peu intimidé, j’hésite un bon moment avant d’attaquer. Je ne regrette pas de m’être enfin décidé, car je retrouve dans cette assiette un goût qui semblait avoir déserté nos tables depuis quelques années. Qui ne se rappelle pas l’engouement pour les côtes levées qui, à une certaine époque, avait déferlé sur Québec comme un raz-de-marée? La viande se détache facilement des os et vous arrive dans la bouche comme une récompense. Succulence! Mon amie ferait bien de se dépêcher si elle veut y goûter. Une frite, de temps à autre, pour souffler. Puis je remets ça de plus belle. Jusqu’à plus faim. Un peu plus tard, par simple curiosité, nous jetons un coup d’oeil à la carte des desserts. Pour la forme. Et, parlant de forme, une petite marche s’impose avant le dodo.
Ginger
Pub-Grill-Lounge
3031, boulevard Laurier
Québec (Québec)
Téléphone: 418 380-6969 ou 418 658-5665, poste 6015
Menu du jour à partir de 10 $
Table d’hôte à partir de 25 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 86,52 $