Un jour lointain, Aphrodite émergea de l’océan à dos d’huître pour donner naissance à Éros: le mythe de l’huître aphrodisiaque était né! Il n’en fallait pas plus pour que Casanova commence ses repas avec 12 douzaines d’huîtres! Mais bon, malgré cette alléchante réputation, les mollusques bivalves ne font pas l’unanimité: plusieurs sont rebutés par leur apparence et leur texture, disons-le, un brin gluante. Mais ne dit-on pas aussi que la dépendance croît avec l’usage… à force d’essais, votre coeur pourrait être gagné!
Bien que l’aquaculture change tranquillement la tradition, plusieurs s’en tiennent au vieux dicton: les huîtres se mangent pendant les mois se terminant en -bre, donc l’automne. Un soir de novembre froid est donc tout indiqué pour une visite de ce sympathique resto-bar de la rue Bank. Avis à tous, ouvrez bien les yeux en cherchant l’endroit: c’est minuscule! Une petite enseigne, une grosse porte de bois, et vous découvrez le charme de Whalesbone: une salle minuscule, un long "bar à huîtres", cinq-six tables à peine, dans un décor de bois brut et de brique. Et même un mercredi, c’est bondé!
Le menu est modeste et tout maritime, à l’exclusion d’un steak-frites. Méli et moi y allons d’abord d’une demi-douzaine d’huîtres – une énorme Buckley Bay et deux Sinku, de Colombie-Britannique, une Shandaph de la Nouvelle-Écosse et deux Coleville Bay de l’Île-du-Prince-Édouard. Toutes sont délicieuses, mais les Sinku gagnent notre coeur. On nous propose une kyrielle de sauces, mais nous nous contentons d’un trait de jus de citron et d’un peu de raifort frais râpé. Guy étant de ceux que l’huître n’a pas encore convaincus, il ouvre le repas avec une tempura de crabe à carapace molle servie sur rémoulade de pomme et céleri-rave: la panure est fine, le crabe, savoureux; il jubile!
Service et cuisine semblent mal coordonnés ce soir-là, seul irritant à notre soirée. Mon thon tataki arrive en même temps que les huîtres, on le ramène en cuisine pour le réchauffer… il n’a plus rien du tataki. Mais en hôte gracieuse, notre serveuse m’en rapportera un tout frais… et sans frais, en plus de nous accorder un petit rabais sur les huîtres. Plusieurs devraient tirer leçon de cette réaction courtoise.
La suite est donc plutôt joyeuse. Le fameux thon est un coup de coeur instantané: frais, à peine saisi et encore bien rouge au centre, enrobé de sésame et de poivre, et servi sur une petite salade d’algues. Le bonheur! Comme il s’agissait d’une entrée, je l’accompagne d’une salade tiède de homard moins enthousiasmante: la chair du crustacé, les tomates légèrement confites et la mozzarella fraîche sont tout à fait délectables, mais la vinaigrette balsamique qui nappe le mesclun écrase tout sur son passage. Méli y va d’une papillote de petit brochet, champignons et palourdes dans un bouillon tomaté: on sent la fraîcheur du poisson sous la fourchette et un peu de pain vient nettoyer le fond de l’assiette. Guy, enfin, attaque un classique filet de saumon aux champignons, artichauts, pommes de terre rouges et sauce crémeuse à l’aneth. Un plat copieux et bien fait.
Les huîtres se vendent à l’unité – généralement autour de 3 $ chacune – et un repas pour deux tourne autour des 70 $, avant vin, taxes et pourboire. Pas si cher payé pour tant de fraîcheur!
Whalesbone Oyster House
430, rue Bank
Ottawa
613 231-8569
www.thewhalesbone.com