Douze ans qu’ils sont là. Douze ans que je n’avais osé y mettre les pieds. La nostalgie avait pris le dessus sur la curiosité. Tant de souvenirs étaient restés accrochés à la première incarnation de Spiga: une Italie nouvelle qu’on ne trouvait nulle part ailleurs, des pâtes réinventées, des soupers pleins de folie. Changement de propriétaires, changement de menu. J’ai décidé de bouder. Mais force est d’admettre que c’est mon propre plaisir que j’ai boudé tout ce temps!
Déjà, l’idée d’offrir, sur un même menu, les cuisines portugaise et italienne m’agaçait: "Ils arrivaient pas à se décider ou quoi?" Un peu d’objectivité, beaucoup de bonne volonté, et nous passons la porte. La salle – très agréable avec son décor à la fois sobre et coloré – est vide… Janvier est souvent difficile pour la restauration: la dinde nous pèse encore sur la conscience, et le portefeuille est vide. Mais tranquillement quelques clients brisent notre solitude. Et, avouons-le, il est toujours agréable d’avoir le service – fort efficace, d’ailleurs – juste à nous!
Nous décidons de tester les deux traditions, question de voir comment le chef Joao Botelho s’y retrouve dans cette dualité gastronomique: chéri voyagera ce soir en Italie, moi au Portugal. Il ouvre avec une entrée d’escargots, champignons, polenta et gorgonzola. Il engloutit la chose avec bonheur, le pain faisant trempette dans la sauce pour ne rien en laisser. Pendant ce temps, je regarde un peu ébahie mon chouriço flambé au brandy salé: l’appétissante saucisse portugaise se "dore la couenne" sur la grille d’un brûleur de terre cuite d’où s’échappe une flamme bleue et enivrante. Simple et réconfortant.
Il poursuit avec un classique: les linguines carbonara. Les pâtes sont délicatement enrobées d’oeuf et de crème, parsemées çà et là de pancetta dorée. Pour peu il osait dire que cette carbonara était meilleure que la mienne! Voulant retrouver un peu de mes souvenirs du Portugal, j’y vais d’un traditionnel plat à base de bacalhau, ces gros filets de morue séchée et salée qu’on y trouve partout. Ce procédé, issu de l’époque où les Portugais venaient pêcher jusque sur les côtes de Terre-Neuve, permettait de conserver le poisson pendant le voyage de retour. Pour l’apprêter, bien sûr, on le désale et le réhydrate en le faisant précuire à grande eau. J’opte pour un savoureux bacalhau Na telha: poisson et pommes de terre cuits… dans une longue tuile servant à couvrir les toits! Huile d’olive, sauce tomate et oignons complètent ce plat rustique et tellement copieux qu’il aurait facilement nourri deux bons mangeurs.
Un peu malheureux, nous nous résignerons encore à sauter le dessert… Le flan au porto me faisait de l’oeil, tout comme le gâteau au chocolat titillait mon homme. Mais ce sera pour une autre fois, je me le promets. Car une autre fois il y aura: trop de plats – surtout dans la section portugaise du menu – n’ont pu être goûtés!
À peine plus de 50 $ pour deux, avant vin, taxes et pourboire. Fort raisonnable pour un repas copieux et savoureusement satisfaisant.
Café Spiga
271, rue Dalhousie
Ottawa
613 241-4381
www.cafespiga.com