Restos / Bars

La Papaye verte : Le fruit est encore trop vert

La Papaye verte a misé gros en élisant domicile dans la vénérable maison du défunt Café Henry Burger. Un pari qui n’est pas encore gagné…

L’endroit est presque mythique: la somptueuse maison de briques de la rue Laurier a longtemps été le lieu de rencontre du gratin politique et diplomatique de la région. On y venait brasser de "grosses affaires" dans les salons privés, assuré d’un service à la discrétion irréprochable. Et bien sûr, on y venait pour la cuisine raffinée qui avait fait la réputation de la maison. Mais toute bonne chose ayant une fin – c’est ce qu’on dit, du moins… -, après 84 ans de loyaux services, la "grande dame" a pris sa retraite.

Voilà que l’automne nous apprend que les tables élégamment nappées du Café accueilleront dorénavant des plats thaïs: le très populaire Green Papaya d’Ottawa occupe maintenant les lieux. Une visite impromptue, mi-décembre, m’avait laissée sur ma faim. C’est donc avec une curiosité redoublée que je m’y présente, un mois plus tard. Rien de tel qu’un petit groupe d’une dizaine de convives pour faire le tour d’un menu… et tester les limites du service!

Le décor est toujours aussi élégant: Burger s’était refait une beauté peu de temps avant sa fermeture, et les couleurs chaudes qui habillaient l’endroit se marient très bien au décor thaïlandais. Les tables ont toujours la même élégance, mais on déplorera les serviettes de papier qui détonnent. Malheureusement, les quelques clients ne suffisent pas à remplir la salle du devant, laissant les deux autres salles du rez-de-chaussée inhabitées: on a l’impression de manger chez une vieille tante qui n’allume les lumières que dans la pièce où elle se trouve.

Notre survol du menu ne sera pas décevant: les calmars grillés avec leur sauce aux chilis et arachides sont goûteux, tout comme les crevettes entières abriées de pâte légère et frites; on en fait trempette dans une sauce aux chilis particulièrement relevée. Nous poursuivons avec une salade de papaye verte, crevettes, arachides et vinaigrette thaïe – un incontournable! – qui est croquante et follement rafraîchissante. Mon homme et moi partagerons un très bon Nuer Takai, boeuf croustillant sauté dans une sauce sucrée épicée aux chilis séchés et citronnelle, et un Pad Ki Mow, sauté de nouilles avec poulet, oeuf, légumes, chilis et herbes thaïes. J’irai piger une bonne louche de cari vert dans le bol de mes voisins, question de tester la chose: rien à redire, l’équilibre est là, la sauce est onctueuse et relevée à souhait.

La tablée semble heureuse, mais une pointe d’agacement flotte. Le service n’est pas à la hauteur, au mieux approximatif, au pire franchement irritant: de l’accueil – inexistant… nous avons dû nous-mêmes chercher le vestiaire pendant que deux serveuses "jasaient" – à la piètre gestion de l’espace – les plats vides s’accumulant sur la table sans qu’on daigne nous en débarrasser – en passant par les verres à vin qu’une moitié de la tablée a dû réclamer une bonne demi-douzaine de fois… Il reste manifestement du boulot à faire de ce côté; le seul lieu suffit à réclamer un minimum de décorum!

Reste que nous nous en sortons avec une addition fort raisonnable: 40 $ pour deux, avant vin, taxes et pourboire. Et il y a toujours le menu pour emporter…

La Papaye verte. 69, rue Laurier, Gatineau (Hull). 819 777-0404.