"L’une sourit, l’autre pas": ainsi aurais-je spontanément intitulé cet article. Celle qui ne sourit pas nous a accueillis, nous a placés et s’est le plus souvent occupée de nous. L’autre, vive et enjouée, a de temps à autre pris soin de nous. Dès l’entrée, une petite affiche nous annonce qu’il y a de l’oursin au menu. Je me promets de ne pas l’oublier, mais je ne m’en souviendrai qu’une fois notre commande passée. D’autres affiches, accrochées un peu partout au plafond, annoncent les "Mardis jazz-moi tout cru…" Le décor n’a pas changé: lampes en papier de riz, toiles mollement tendues près du plafond, tiges de bambou dressées entre les deux parties de la salle à manger, sièges confortables et tables plutôt exiguës. De la musique latino-américaine nous passerons progressivement au jazz, puis à Francesca, la célèbre voix d’Alegría. Nous sommes au plus une dizaine dans la pièce à manger, mais le téléphone ne dérougit pas: vive la livraison pour ceux qui ne souhaitent pas se taper notre froid quotidien! C’est d’ailleurs pour se réchauffer que mon amie se fait servir un petit carafon de saké, après un bref survol de la rubrique où se succèdent vins, bières et cocktails – dont le youköso (liqueur de litchi et jus d’hibiscus) et la brise d’aloès (saké et jus d’aloès). Je m’en tiendrai à l’eau. Temakis, makis, sushis, sashimis… Je me sens un peu perdu, car ventre affamé n’a pas toute sa raison. Je passe à la table d’hôte énumérant sushi pizza (galettes de riz, fromage à la crème, thon et saumon), bouillon japonais, sushi moriawase (10 bouchées new style), "Surprise vedette du chef" (boeuf tataki)… Un petit saut du côté des entrées, et ce sont cette fois les tempuras de crevettes ou de légumes qui me tentent, autant que les rouleaux impériaux à la "sauce mangue thaï", le gravlax de truite, la bruschetta Li, les crevettes tigrées. Pour la beauté du nom, je choisis une "Princesse" que je complète dignement d’un "Baiser de sirène". Le chef s’affaire déjà pour nous, sans doute, quand je repense au "gunkan d’oursin". La serveuse souriante nous en décrit brièvement la présentation; je souscris donc, seul, pour une "demi-portion", car mon amie ne manifeste aucun intérêt particulier… Nos premières assiettes ne tardent pas: des calmars Taxi pour ma compagne – une profusion de rondelles, tendres pour la plupart et, toutes, un peu relevées. Elles s’empilent, brûlantes et dorées, dans la grande assiette creuse. Ma "Princesse" se compose de fines tranches de patate douce, prises en sandwich entre des galettes de riz avec, par-dessus, de la confiture d’oignons, une tranche de pétoncle et une rondelle de foie gras. Combinaison assez surprenante, pour dire vrai, mais les ingrédients pactisent au mieux et, en bouche, se cèdent mutuellement la vedette. Les baguettes ne m’ayant jamais réussi, je n’avais pas tardé à demander fourchette et couteau. C’est avec le "Baiser de sirène" qu’on m’apporte l’oursin posé, rosâtre, sur son coussinet de riz en gunkan. La dernière fois que j’en ai mangé (qui était aussi la première), c’était en voyage; il avait une tout autre allure. Là, plutôt mou, il a un goût "vague et général" de fruit de mer et révèle une légère amertume. Il se fait un peu plus agréable au contact intime des autres bouchées composant l’assiette. Saumon fumé, kanikama, petits oignons blancs marinés, wonton, fromage de chèvre avec, bien entendu, ma part de wasabi, de fines tranches de gingembre et de poire. De l’autre côté de la table, le plat porte un nom que justifie probablement le long coulis de sauce pimentée qui traverse l’assiette tapissée en partie d’un morceau de feuille de bananier. Malgré la faim qui la tenaillait à l’arrivée, malgré l’appétit qui persistait après ses calmars, mon amie se montre peu emballée par son nom, Fifibrindacier. Ses bouchées se font lentes et paresseuses. Avouerai-je que j’éprouve moi aussi moins d’enthousiasme que les premières fois? Il manque peut-être, ce soir, un "tour de main" qui nous avait laissé de bien agréables souvenirs.
Restaurant Sushi Taxi
989, route de l’Église
Sainte-Foy (Québec)
Téléphone: 418 653-7775
Menu midi (taxes incluses): 12 à 17 $
Menu du midi: 13 à 18,50 $
Table d’hôte: 40 $
Table d’hôte pour deux: 60 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 48,55 $
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LA FENOUILLÈRE
Un personnel affable et soucieux de votre bien-être, une cave exceptionnelle et une carte prolixe, jalonnée de surprises plus agréables les unes que les autres: tel est sans doute le secret de cet établissement où la constance fait figure de vertu. Mais la constance, ici, n’exclut pas le renouvellement périodique des menus qui, bon an mal an, vous proposent surtout des poissons et fruits de mer, mais aussi du gibier, des ris de veau, du filet de boeuf… On trouvera parfois certains légumes un peu trop al dente, mais la présentation alléchante des assiettes témoigne de l’attention particulière portée aux accompagnements du point de vue de l’harmonie générale des couleurs et des textures. Et, pour couronner le tout, une sauce irréprochable "signe" chaque réussite. On souhaiterait s’éterniser à table pour savourer le plus longuement possible chaque bouchée et se griser de chaque parfum.