Des changements, il y en a eu. S’il faut maintenant y apporter son vin, l’essentiel est ailleurs. Au début, sur chaque table trônait un petit tajine, emblème de la maison; depuis quelques mois, les mets eux-mêmes, les tajines, vous sont servis dans le plat où ils ont cuit et dont ils portent le nom. C’est qu’il a fallu attendre longtemps une livraison qui tardait… autant que la commande de certains ingrédients particuliers. Qui s’en plaindrait? Surtout pas des gens pour qui la cuisine traditionnelle est affaire de temps, de patience, de tradition – et aussi de fierté, si l’on en juge par le plaisir évident qu’ils prennent à évoquer pour vous le dosage d’une herbe ou d’une épice. Sur ce plan, les questions de mon amie fusent, elle pour qui le simple mot Maroc éveille un monde de souvenirs parfumés. Il ne lui en fallait donc pas davantage pour choisir sur un coup de coeur le "Tajine d’agneau aux olives violettes du Maroc et citron confit". Sur la carte plus prolixe que jamais, mon choix ne cesse de changer d’appellation: des tajines, certes, mais berbère, aux aubergines, au kefta, au poulet? Ou l’un des nombreux couscous aux légumes, au poulet, à l’agneau, au "rosbif mariné", aux merguez, ou au jarret de veau (façon osso buco)? Pourquoi pas le "royal"?… Du côté des entrées, la pastilla me fait de l’oeil. Pas question de me faire désirer indéfiniment: j’opte. Et, sur ma lancée, je commande un plat principal. Mon amie lève à ma santé son verre de rouge (Mommessin cuvée Saint-Pierre) et, peu après, nos soupes fumantes arrivent. Il s’agit de la harira – un véritable régal quand on la réussit, et c’est ici le cas. Les lentilles sont nombreuses dans le délicieux bouillon, à base d’agneau, auquel elles ajoutent de la texture. Ici ou là, un pois chiche; de loin en loin, un petit goût de coriandre si furtif qu’il vous fait l’effet d’une allusion. Cela se mange avec entrain – pour ne pas dire "avidité". On croit s’aider de pain – un excellent pain artisanal -, mais on se nuit plutôt: votre appétit sérieusement amoché survit à peine pour s’attaquer aux briks. En réalité, nous n’avions pas commandé ces spécialités tunisiennes au thon émietté et à l’oeuf, mais, puisqu’elles sont nouvelles sur la carte, on nous les offre par gentillesse. Bonnes, dodues, généreusement assaisonnées mais sans excès, elles révèlent toutefois une pointe d’acidité qui me semble trop accentuée. Mon amie n’est évidemment pas d’accord, puisqu’elle vous mangerait un citron en souriant. Et, tadam!… nos entrées, les vraies: pour moi, la pastilla, ronde et bombée, saupoudrée de sucre glace et de cannelle en poudre, garnie d’amandes et de poulet de grain; pour ma compagne, le zaalouk, voluptueuse purée d’aubergines et de tomates ponctuée d’olives et garnie d’un oeuf au plat. "Il ne faudrait pas croire que cela devient une habitude…" Mon amie sourit et complète par une question: "Un doggie-bag?" En effet, car j’ai vu de quoi ont l’air les tajines servis aux autres clients. Du costaud! Un beau gros jarret, avec l’os bien visible qui déborde presque le récipient, les garnitures autour, olives ou citron confit, et de la semoule servie à part. Ce qui nous est présenté ne diffère pas. Mon amie a droit à ses olives violettes, aux tranches de citron confit qui donnent à la sauce son caractère; devant moi, pruneaux et amandes entières se partagent la vedette dans une sauce brune, légèrement sirupeuse sans être trop sucrée et, sur l’ensemble, une pluie de sésame. Les viandes sont bien cuites, parfumées… Quelques bouchées plus tard, on nous les enlève… pour nous les emballer et y ajouter deux baklawas.
Le Tajine
1333, rue Provancher
Cap-Rouge (Québec)
Téléphone: 418 659-6781
Menu du jour: 9,95 à 12,95 $
Table d’hôte: 19,95 à 23,95 $
Spécial "Découverte" 5 services (pour deux): 45 $
Souper pour deux (incluant les taxes): 51,28 $