Même s’il m’en coûte un peu, je ne regrette pas d’avoir écourté ma grasse matinée dominicale qu’un petit vent frisquet – "vivifiant", prétend mon amie – se charge d’ailleurs de me faire oublier dès que nous descendons de voiture. Deux, trois coins de rue, et nous y sommes. Nous croisons dans le hall des clients de l’hôtel qui s’en vont. Des "bruncheurs" quittent le restaurant et s’apprêtent eux aussi à partir. Avec la courtoisie habituelle de l’endroit, un employé du Toast! nous débarrasse de nos manteaux et nous invite à le suivre. Si nous avions des doutes quant à l’état de notre appétit, ils s’évaporent une fois franchi le seuil du restaurant. Nous ne sommes pas les seuls, loin de là! Tout sollicite vos sens en même temps: discrets bruits de voix, tintements d’ustensiles, odeurs furtives de café fort ou de pain grillé, grands verres de jus frais, assiettes empanachées de salades colorées… Pour s’être laissé "raconter" le menu au téléphone au moment de réserver, mon amie arbore ce sourire satisfait des gens qui en savent plus que vous et lit la carte presque de mémoire. Tartare de boeuf épicé à l’ailloli, échalote grise, câpres et citron, croûton tartiné d’ail confit; foie gras du Canard goulu farci et cuit sous vide, artichaut, queue de boeuf, armagnac; rouleaux impériaux aux légumes et curry rouge façon "Bénédictine", servis avec oeufs pochés; gaufres maison à la farine de sarrasin… Une modulation inattendue de sa voix m’indique qu’elle a choisi. Après m’être fait décrire deux fois la tartine du jour (laitue à la moutarde de Meaux sur pain huilé et grillé, tête fromagée), j’hésite un peu, puis opte pour le tartare de saumon du Nouveau-Brunswick. Je mets à profit quelques minutes d’attente pour zyeuter autour de moi les assiettes, le décor… Le soleil entre gaillardement par la grande fenêtre vitrée donnant sur la rue et laisse traîner des reflets sur l’abat-jour d’une lampe, sur le dossier des banquettes rouges, sur les murs de pierre et de brique. Je feuillette aussi la carte du soir que j’ai demandé à voir: foie gras poêlé, suprême de canette, boeuf au jus, agneau façon navarin… Ma lecture est interrompue par l’arrivée inopinée de deux amuse-gueule: petites saucisses maison au porcelet et foie gras, servies dans une assiette furtivement paraphée d’un coulis de pommes et ail. Un peu plus tard, nos assiettes s’amènent, appétissantes à souhait. Bol de frites, mayo maison et une longue tranche de baguette, huilée et grillée, accompagnent mon tartare grossièrement tranché au couteau, comme il se doit, parfumé au vinaigre de riz et posé sur un coussinet d’avocat et de tempura. Il ne lui manque qu’une petite pincée de sel; j’y pourvois. J’en apprécie autant la discrétion de l’assaisonnement que l’alliance des saveurs et le contraste des textures. De l’autre côté de la table, mon amie entreprend à regret de défaire ce beau montage qu’il ne suffit pas de regarder. Évidemment, elle a choisi une gaufre maison "enneigée" d’une moelleuse brouillade d’oeufs, d’une légèreté incroyable, accommodée d’oignons verts et de bacon fumé, adoucie de sirop d’érable et coiffée d’une demi-poire pochée à la vanille. Les saveurs se relaient en bouche; un léger coup de dents, et d’autres se manifestent sans s’éterniser. Ayant vidé les tasses de café qui nous ont accompagnés jusque-là, nous en demandons deux autres que nous sirotons, repus, incapables même de rêver aux desserts que nous aurions pu prendre.
Toast!
17, rue du Sault-au-Matelot
Québec (Québec)
Téléphone: 418 692-1334
Table d’hôte à partir de 34 $
Menu du jour à partir de 17 $
Brunch pour deux (incluant les taxes): 50,14 $