Depuis quelques années, ce resto n’ouvre pas le midi, on le sait. Il y a quelques semaines, c’est donc un soir que nous y avons rejoint, mon amie et moi, quelques amis montréalais de passage. Nous avions déjà soupé; eux, non. Mais, l’occasion, la bonne humeur et "quelque diable aussi me poussant", comme ajouterait La Fontaine, je me suis laissé tenter par une petite entrée de calmars. Alors que j’en étais aux dernières rondelles, j’ai fait signe à la serveuse pour lui signaler que je récidivais. J’en ai encore le souvenir, ce soir, un souvenir ravivé par les fumets de poissons et de fruits de mer qui ajoutent ici à l’ambiance. Un groupe de convives occupe le salon privé, près de l’entrée. Ce sont plutôt des couples qu’on retrouve dans la salle à manger toujours chaleureuse avec ses vieilles pierres grises, ses poutres imposantes. Pour ce qui est du décor, tout ce qui évoque la mer et ses bienfaits: l’énorme espadon ornant le mur du fond, le voilier posé sur la balustrade, bateaux, poissons… Le "Festival de la République dominicaine" se poursuit, comme en font foi les beignets de morue et le ceviche des Caraïbes figurant parmi les premiers plats, dont la petite marmite du jour, les calmars a la plancha et le duo du fumoir. Ce sont, ensuite, le magret de canard sauce aux fruits, le poulet frit, le filet mignon et son demi-homard, les raviolis au chèvre et tomates séchées, la morue à la créole, l’assiette du marinier et – fantasme gourmand par excellence – l’assiette du Commodore: demi-crabe des neiges, demi-homard, crevettes, pétoncles, moules et poisson du jour. C’est cette dernière qui me tente, mais je me connais: je risque fort de ne pas en venir à bout. Là, je reviens aux entrées, particulièrement au poulet frit. Que vient faire du poulet frit dans un restaurant de fruits de mer, vous demandez-vous? Moi aussi. On me précise de vive voix qu’il ne s’agit pas d’un poulet frit quelconque – du genre "payez et emportez". Pourquoi ne pas le proposer en petites portions afin de le faire découvrir aux clients qui n’osent pas? Ma remarque n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd. Imaginez! Quelques minutes plus tard, une grande assiette atterrit entre mon amie et moi et, devant chacun de nous, on pose une plus petite. Nous avons droit à un petit régal latino: frijoles (moelleux et savoureux), beignets de morue (légers, de bon goût et un peu salés), ceviche des Caraïbes (délicieux) et ledit poulet frit. Tendre, bien assaisonné et soigneusement mariné, ce dernier – avec ses platanos fritos et sa sauce au rhum qui vaut tous les superlatifs -, ce dernier vous téléporte immédiatement dans ces pays chauds où le pollo frito est roi, dans un environnement de palmiers et de palétuviers où coulent à flots la bière et le mojito. Bonne petite tape d’encouragement sur le moral, quand, au-delà de ces murs, il fait 35 degrés sous zéro! C’est dans une bière, justement, que se dilue ma soif, une Blanche de Bruxelles fortement citronnée qui s’entend au mieux avec notre assortiment d’entrées. Et c’est un mojito qui désaltère ma compagne, jusqu’au moment où, au deuxième service, elle décide de passer au Bourgogne aligoté. Une simple soupe de poissons suffira… "après ce que je viens de me taper", précise-t-elle. Soupe on ne peut plus serrée, corsée, saturée de goût, assortie de ses croûtons, de son fromage râpé et d’une suave rouille pas trop aillée. Pour moi: calmars, monticule de frites, mayo maison et corbeille de pain frais! Mais je ne m’intéresse vraiment qu’aux mollusques, tendres et de bon goût, et à leur sauce au cari – pour le plaisir, pour le souvenir, pour la gourmandise ou tout ce qu’on voudra. Je ne cesse de me répéter qu’il n’y a pas de miracle: si je veux que l’assiette se vide, il faut que je mange, ô délectable corvée! Je m’en acquitte parfaitement, à quelques rondelles près.
Restaurant Poisson d’avril
115, quai Saint-André
Québec (Québec)
Téléphone: 418 692-1010
Service de traiteur: 418 692-3444
Tables d’hôte à partir de 27 $
Souper pour deux (incluant taxes et boissons): 51 $