Sa carte avait commencé à changer avec l’arrivée de ce nouveau chef qui, peu avant l’hiver, l’a encore "réaménagée" pour lui insuffler une nouvelle âme, si l’on peut dire. Le décor n’a évidemment pas changé, depuis ma dernière visite: fenêtres à espagnolette, banquettes à très haut dossier baignant dans la lumière douce de lampes cylindriques et de rampes d’éclairage. Réfugié dans la niche qui me fait face, un petit bouquet floral constitue la seule note de couleur. Et puis la voix d’Henri Salvador qui nous veloute un moment l’ambiance, avant de laisser la place à quelques tangos. Mes préoccupations sont pour l’heure moins lyriques: cassolette d’escargots aux champignons, tarte fine aux champignons (huile de noisette), foie gras poêlé au caramel balsamique… Mon amie, qui déjà anticipe ses vacances, déguste son verre de rosé (L’Orpailleur) à petites gorgées pensives: les pasta alla carbonara ou la marmite du pêcheur avec rouille et croûtons? Le mijoté de lapin de l’île d’Orléans (romarin et tomates séchées) ou bien le confit de canard gavé à l’aigre-doux? À ce train-là, on ne tarde pas à se rendre jusqu’au contre-filet de boeuf grillé, jusqu’aux hamburgers de boeuf ou de gibier. Mon mousseux (Marquis de La Tour) a rempli son office d’apéro, mais ma faim frivole ne parvient toujours pas encore à se caser. Et puis, tout à coup, je me décide pour le croustillant de pintade confite aux shiitakes et aux pleurotes. Il se présente sous la forme d’un… portefeuille bien garni et bien fermé, en l’occurrence une pâte de riz chaude et croustillante. Mon couteau y fait une brusque entaille, libérant une petite bouffée de fumets que je m’empresse de humer avec délices. Le goût est à l’avenant, agréable et nuancé; les différentes textures semblent s’allier différemment d’une bouchée à l’autre. Mon amie a choisi le pannequet de truite fumée et poivrons rouges grillés d’où coule un peu de fromage de chèvre. Du moelleux, du fin, du savoureux! "Je me demande si nous aurons vraiment faim pour la suite…" Je ne dis mot, mais n’en pense pas moins. Ladite suite n’arrive pas… tout de suite, heureusement. La mienne m’arrive, colorée, dans une large assiette. Une appétissante brochette de légumes grillés (tomates cerises et champignons) repose de travers sur des tranches de poitrine de canard du lac Brôme étalées en éventail. Carottes et haricots complètent l’ensemble "décoré" d’une large galette de pommes de terre (façon rösti). La sauce, brune et abondante, est aux fines herbes; j’y décèle un je-ne-sais quoi d’asiatique qui me plonge dans de gourmandes réflexions… dont j’émerge soudain pour trouver mon assiette presque vide. Délicieux! La chair juteuse et savoureuse du volatile, les légumes, la galette, tout. J’explique cela sur un ton d’excuse à l’intention de ma compagne qui n’en revient pas de m’avoir vu manger si vite – après lui avoir permis de picorer un peu dans mon assiette, tandis que je tâtais un peu de ses médaillons de veau accommodés d’une exquise sauce brune et accompagnés d’un "gâteau de pâtes" (vertes et blanches). "Cette fois, c’est vrai: je ne prends plus rien!" Je la crois sur parole… jusqu’au moment où nous finissons par céder à l’offre d’une glace à la menthe – pour favoriser la digestion, comme on dit. Glace d’une incomparable légèreté qui nous est servie avec un quatre-quarts aux pommes, lui aussi très léger. Alors, nous laissons aller fourchettes et cuillers: elles connaissent le chemin.
Le Grill
32, rue Sainte-Anne
Québec (Québec)
Téléphone: 418 692-4447
Menu du midi: 11 à 19 $
Table d’hôte: 29 à 37 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 94,58 $