Jeudi dernier, le CNA et la Scène Québec recevaient le chef copropriétaire de l’excellent Laurie Raphaël, à Québec. En préparation de ce grand événement, il m’a longuement parlé de sa passion: la gastronomie.
Quand on demande à Daniel Vézina d’où lui est venu cet amour de la cuisine, il relate ses souvenirs d’enfance: "Ma mère était une excellente couturière… mais pas une cuisinière. Enfant, je ne suis pas tombé dans la sauce: y’en avait pas… J’ai dû apprendre à en faire!" Ses premières expériences culinaires? "Assaisonner les plats de ma mère!" Combien sommes-nous à nous reconnaître dans ce Québec des années 60-70 où trônaient en roi sur nos tables le pain blanc tranché, le fromage marbré et le pâté chinois?!
Et puis, ce fut l’explosion. Vézina parle avec enthousiasme de la découverte, il y a une trentaine d’années, d’une cuisine californienne qui a bousculé les traditions françaises régissant notre gastronomie: "On a commencé à se réveiller, à découvrir une cuisine multiethnique qui se faisait le reflet de notre réalité culturelle." Puis, après avoir intégré une foule de produits d’ailleurs, nos chefs sont partis à la recherche de produits bien de chez nous. "On est revenus à notre terroir, qui s’est développé, et on a laissé aller notre imagination."
Le menu qu’il nous a proposé, jeudi dernier, faisait donc la part belle aux produits du Québec: foie gras de la ferme du Canard goulu, à Saint-Apollinaire; saumon fumé de Charlevoix; carré de porcelet naturel de la ferme Gaspor, à Saint-Canut, jus aux baies de chicoutai; fromage Riopelle de l’île aux Grues et sabayon aux épinards et à la fleur d’ail…
Mais alors de produits exotiques et régionaux font maintenant partie de notre quotidien; que certains chefs sont de véritables vedettes du showbiz; que la bonne bouffe s’érige en quasi-religion; vers quoi se dirige la gastronomie québécoise? Daniel Vézina, qui concède qu’on assistera à un certain ralentissement dans la prolifération de nouveaux produits, voit plutôt dans l’avenir "une plus grande compréhension de la cuisine, entre autres avec les techniques de la gastronomie moléculaire – Hervé This, Ferran Adrià -, qui seront appliquées aux produits de notre terroir". Ces nouvelles techniques, qui mêlent gastronomie et chimie, permettent de fascinantes utilisations et transformations des ingrédients. Le jaune d’oeuf au sirop d’érable et jus d’agrume qu’il nous a servi en "pré-dessert" en était le plus bel exemple: grâce à de savantes manipulations impliquant extraits d’algues, jus d’orange et chlorure de calcium, le jaune avait une forme parfaite, une couleur franche et une consistance crémeuse, mais ferme. Un délice!
Dans ce même esprit de découverte et de ludisme, il en a ébloui plusieurs avec son dessert: les éléments composant le parfum Hypnotic Poison de Christian Dior – mangue, vanille, carvi, fève tonka et jasmin – devenus blanc-manger, biscuit, coulis, glace. On mélange les goûts en bouche… et on hume ensuite un petit bocal contenant un échantillon du parfum. Un jeu fascinant pour les sens.
Enfin, faute d’espace, je me contenterai de vous laisser rêver du shooter de liqueur "Maple" décoré d’une montagne de barbe à papa à l’érable qui a conclu ces agapes. Québec paraît moins loin quand tant de délices nous y attendent: ça vaut le détour!