En mettant le pied dans la salle à manger, nous savons que quelque chose a changé, que des choses ont changé. Cela ne tient pas à l’ajout d’une petite piste de danse, sur la gauche, près des immenses baies donnant vue sur la terrasse et, au-delà, sur le terrain de golf presque achevé. Bien sûr, l’accueil n’a pas cet enthousiasme souriant de la première fois. Nous prenons place au fond de la salle à manger, mon amie sur la longue banquette et moi, sur la chaise droite qui lui fait face. Nous hésitons sur le choix de l’apéro… "Connaissez-vous ça, un Cosmopolitan?" demande celui qui nous a reçus. J’ai bien envie de répondre "non, on n’est jamais sortis…" J’opte pour une bière, une Bleue, car le choix est assez limité – "pour le moment", nous précise-t-on. Par chance, c’est quelqu’un d’autre qui prend en charge notre table pour le reste de la soirée; j’en suis bien aise. La carte? Honnête. Elle n’a plus ce faste qui se déclinait en termes de "Griffe de feu", "Griffe d’eau" et autres, rubriques où l’on se promenait en frétillant, salivant à l’évocation des rillettes de sanglier, rouleau d’oie confit et toutim. Mais encore? Napoléon de filet de porc à l’ail confit et fines herbes, pétoncles poêlés (moutarde de Meaux, miel et cognac), pattes de crabe à la vapeur (beurre de lime), potages, sandwichs, soupes, pizzas fines, burgers (dont un au bison). Pour ce qui est des entrées, nous finissons par nous décider parmi les ailes de poulet, salade verte ou César, cassolette d’escargots, crème brûlée au foie gras, etc. Ma "mousseline de foie de volaille à la façon de Serge Bruyère" s’avère bien plus poivrée que ce à quoi la cuisine "mesurée" de ce chef nous avait habitués. Mais la mousse est joliment présentée sous la forme de trois souris: des amandes effilées leur tiennent lieu d’oreilles et une pousse de chou-rave pourpre figure la queue. Le "cocktail de crevettes, sauce démoniaque" est servi en face de moi, l’habituelle coupe évasée garnie de jeunes pousses mélangées. Les crustacés, quoique de bonne grosseur, se révèlent tendres et savoureux. Plutôt que de goûter à la sauce démoniaque, je tâte un peu du coulis de poivrons rouges décorant l’assiette. En attendant la suite, nous apprenons du personnel qu’en effet, de grands changements sont survenus ici… et que d’autres sont imminents. La soupe du jour, aux betteraves et à l’orange, m’intrigue tant qu’on nous en sert deux demi-bols au lieu d’un bol complet pour ma compagne. Écarlate et délicieuse, elle a le goût des betteraves fraîches. Mais que de poivre! "Tu as raison", admet mon amie après y avoir goûté, sur le ton de quelqu’un qui avait d’abord douté. Un verre de rouge en main, elle accueille un peu plus tard une savoureuse pizza Le Griffé. Ris de veau, portobellos, sauce tomate, fines herbes et mozzarella garnissent une croûte fine et craquante. Par-dessus tout cela, un petit amoncellement de frites allumettes qui se passent d’assaisonnement supplémentaire. Mon parmentier de canard confit s’étage à partir d’un mélange de petits légumes, façon ratatouille, et se termine par une moelleuse couronne de purée de pommes de terre avec, en son centre, une sauce brune qui profite du premier coup de fourchette pour se répandre. Cela se mange bien, mais sans extase. Dans l’assiette, à côté d’autres légumes grillés (aubergine, bok choy et carotte), un mélange de jeunes pousses (aragula, chou-rave pourpre, etc.) vous rafraîchit le coup d’oeil. Nous terminons en douceur par une crème brûlée à l’érable et deux tranches de gâteau moka entourées de carambole, de mûres et de grosses fraises (cueillies un peu trop tôt).
Restaurant-bar Le Griffé
Hôtel Sheraton Four Points
7900, rue du Marigot
Charlesbourg (Québec)
Table d’hôte: 24 à 32 $
Menu du jour: 9 à 13 $
Téléphone: 418 627-8008