La restauration est-elle en crise? Voilà la question qui tenaille les gens de l’industrie depuis la fermeture récente de quelques tables montréalaises réputées. Certains sont alarmistes, d’autres préfèrent parler de restructuration, mais tous s’accordent pour dire que le bistro tient le haut du pavé en ce moment. Ironiquement, le Bruno Bistro, qui frappe en plein dans le mille de la tendance actuelle, vient d’éclore à côté du regretté restaurant Anise…
Les hauts et les bas de la restauration, Serge Bruno connaît bien. C’est après la fermeture de son dernier restaurant sur Bernard qu’il s’était promis de ne plus se laisser prendre. Puis, la passion a repris le dessus sur la raison, et le voilà maintenant aux commandes d’un nouveau bistro plein de promesses. Comme quoi il y a toujours un avenir pour ceux qui ont le feu sacré.
À table!
En entrant chez Bruno, ceux qui prévoient s’attabler dans un bistro classique risquent d’être étonnés. La dominance de noir crée un effet feutré, contrasté par des nappes immaculées et par des accents rouge vif. D’entrée de jeu, on est davantage plongé dans l’atmosphère tamisée d’un resto chic. La tangente résolument bistro de l’endroit se dessine à la lecture du menu, où apparaissent les classiques, tous habillés d’une petite touche de modernité.
Ainsi, la salade d’endives et poires s’accompagne d’une vinaigrette au Ciel de Charlevoix, le tartare de saumon flirte avec les oeufs de mulet. Comme l’audace nous met en goût, on opte pour un rouleau de saumon aux poireaux confits, légèrement frits dans une pâte tempura. Autre belle trouvaille, des gnocchis parisiens, confectionnés à la pâte de chou, accompagnés d’escargots et de champignons. Dans les deux cas, les textures se mêlent, mais les saveurs aux contours nets créent de petites explosions gustatives. Seul relent de banalité, un amas de mesclun flanqué pour garnir l’assiette.
Mis en appétit par les entrées, ainsi que par les oh! et les ah! de la table voisine, on accueille une joue de veau braisée à la bière noire délicieusement fondante sous la dent, servie avec une purée de céleri boule, ainsi qu’une cuisse de canard confite au miel et à l’anis étoilé, qui passe aussi le test. Quant à l’onglet de boeuf grillé à l’échalote, à l’effiloché de ravioli à la ricotta ou à la tatin de betteraves caramélisées servis en accompagnement, il faudra une prochaine visite pour les goûter. Les accompagnements varient d’une assiette à l’autre, une preuve que l’on s’applique en cuisine. Fait à noter, lors de notre passage, les plats du jour inscrits à l’ardoise faisaient une belle part aux produits de la mer. Pour ce qui est du service, un serveur en jeans, professionnel sans être coincé, semble avoir à coeur le bon déroulement de notre soirée.
Petites douceurs
Côté dessert, on se tourne à nouveau vers les classiques, beaucoup plus sages cette fois. Une île flottante au caramel et aux amandes qui fait de l’oeil aux amateurs de portions copieuses, un pot moka étagé, une crème brûlée, un fondant au chocolat… Idée ingénieuse, on propose des profiteroles à l’unité, ce qui permet soit de succomber au compte-gouttes à sa dent sucrée ou de se gaver sans culpabilité, selon ce que commande notre appétit ou notre tour de taille.
Emballant
Un décor très réussi, oeuvre de l’architecte Louis-Joseph Papineau (à qui l’on doit l’aérogare de Mirabel et la station de métro Peel). La trattoria qui occupait jadis l’étroit local est en tous points méconnaissable. Afin de tromper un espace long et étriqué, des miroirs ont été installés des deux côtés de la salle, ce qui élargit la perspective, en plus de permettre aux curieux d’espionner furtivement les tables voisines… Le lieu est confortable et l’atmosphère, enveloppante. Un cadre agréable pour une cuisine qui ne l’est pas moins.
Décevant
Si la sélection musicale, dans laquelle tournent en boucle des chansons françaises, plaît aux nostalgiques, elle traduit mal la modernité du décor. Un jazz feutré et ambiant flatterait plus judicieusement l’ouïe. Autre faiblesse de l’établissement, une carte des vins un peu trop succincte et cliché, surtout à l’ère où les bars à vins surprennent de plus en plus par leurs choix de bouteilles hors des sentiers battus.
Combien?
Le midi, la table d’hôte, incluant le potage, le plat et le café, oscille entre 13 $ et 20 $. Le soir, les plats varient entre 16 $ et 30 $. En ajoutant à cela les entrées et les desserts, on compte environ 75 $ pour deux personnes, avant le vin et les taxes.
Quand?
À part le lundi, où le restaurant est fermé, il est ouvert tous les midis de la semaine, ainsi que tous les soirs, du mardi au dimanche.
Bruno Bistro
108, avenue Laurier
514 277-8777