Les restos nouveaux sont légion rue Clarence, comme les crocus annonçant les premières chaleurs. Moji s’y est ajouté en mars, après des rénos dignes de Transformation extrême! Plus d’un sera étonné du changement: l’ancien comptoir à shawarmas de la rue Clarence s’est refait une beauté. Dans la salle longue et étroite, on a opté pour le look léché et élégant, avec chaises de cuirette sombre, tables nappées de blanc, boiseries foncées et décoration sobre.
Avec un nom comme Moji, qui signifie "lettre, caractère" en japonais, on se serait attendu à une cuisine fusion à tendance asiatique. Mais on fusionne large, du créole à l’italien, avec quelques pointes asiatiques ici et là. Le menu du midi y va de salades invitantes, de quelques viandes et poissons, et de plats de pâtes. Notre serveur, affable, attentif sans être envahissant, prendra le temps de répondre à toutes nos questions et ira de ses recommandations judicieuses.
Je devais être la seule affamée ce jour-là: mes comparses se contentent, en entrée, des petits pains ronds qu’ils trempent goulûment dans une assiette d’huile d’olive, de vinaigre balsamique et de flocons de piments. J’y vais de la soupe du jour: crème d’inspiration thaïe au poulet et riz. La texture est onctueuse et le tout bien relevé de cari, sans pour autant tuer les papilles. De quoi se réchauffer en cette journée où la vitrine ouverte nous amène un courant d’air parfois réfrigérant… La carte des vins est brève, mais offre une intéressante sélection au verre et à prix raisonnable.
Mes amis poursuivent avec, pour elle, le poisson du jour: filet de vivaneau légèrement pané et grillé juste à point, décoré d’une sauce où se déclinent artichauts, avocats, tomates cerises grillées. L’assiette est complétée d’un mélange de riz blanc et sauvage et d’un mesclun simplissime. Lui y va d’un plat de fettucinis aux trois poivrons façon créole. Contre toute attente, la sauce rosée, relevée d’une touche de madère, tombe à plat. Quelques gombos veulent nous faire rêver des Antilles, mais c’est bien mince, et les grosses crevettes dodues, si elles ont la texture souhaitée, manquent d’assaisonnement. De mon côté, je poursuis en légèreté avec une salade. Une montagne de mesclun est entourée de dés de betterave, petites tomates, oignons rouges caramélisés, quartiers d’avocat et croûtons, surmontée de languettes de boeuf Angus saignant. Une vinaigrette balsamique aux cerises séchées se fait un peu discrète – elle aurait pu aisément napper la viande à laquelle elle se mariait à merveille -, mais la fraîcheur de l’ensemble réjouit.
Enfin, l’homme de la tablée y va d’une crème brûlée aux parfums d’exotisme: cardamome et safran. L’assiette est superbement présentée, avec un coulis parsemé de pistaches hachées. La crème brûlée nous invite à jouer les Amélie Poulain, cassant de nos cuillères joyeuses son miroir parfait. L’appareil qu’il cache s’avère étonnant par ses saveurs, mais un peu décevant par sa texture légèrement granuleuse qui laisse un film gras en bouche.
Le repas du midi, pour trois, se montera à une cinquantaine de dollars, avant vin, taxes et pourboire. Une table sympathique, mais qui a encore quelques croûtes à manger.
Moji
97, rue Clarence
Ottawa
613 860-6654