Restos / Bars

Le Panaché : Redécouverte heureuse

Le Panaché n’a plus besoin de présentations: il garde le cap, contre vents et marées, dans un coin paumé du Vieux-Hull, défiant toutes les probabilités de longévité.

Ils sont nombreux à ne jurer que par cette table française de la rue Eddy. J’y avais, quant à moi, toujours été déçue: décor triste, cuisine inégale. Je savais les proprios fatigués et ça se sentait jusque dans l’assiette. Finalement, après nous avoir engraissés pendant des années, ces messieurs se sont recyclés dans la vente de régimes amaigrissants!! Jonathan Russell, qui était déjà aux commandes des cuisines, en a profité pour faire le plongeon et devenir "chef propriétaire". Dès que j’eus vent de la nouvelle, je remis Le Panaché sur ma liste de restos à visiter.

Une fois passée la porte de cet immeuble plutôt quelconque, on ne rencontre que des sourires. Cet enthousiasme persistera tout au long du repas, pour un service à la fois professionnel et chaleureux. Côté décor, si je ne suis friande ni des boiseries qui couvrent certains murs ni des chaises "années 80", une note de fraîcheur et d’élégance est tout de même au rendez-vous.

On propose un menu secret du chef – sept services "surprises" pour 90 $ -, des tables d’hôte à composer soi-même – quatre services dans les 40 $ -, ou le menu à la carte. Moins en appétit ce soir – eh oui, ça m’arrive! -, j’ouvre avec une soupe aux quatre oignons – rouge, blanc, vert et poireau -, sur une belle base de bouillon de poulet maison. La douceur des oignons rend d’abord la chose un peu fade, mais dès qu’on y mélange la tapenade d’anchois qui garnit judicieusement un croûton, les saveurs sont rehaussées et l’ensemble se fait heureux. Je n’en loucherai pas moins sur le foie gras poêlé dont se délecte mon Chéri: une portion généreuse – on l’espérait, à 18 $ -, une cuisson impeccable, un foie bien caramélisé, mais fondant au coeur, décoré d’une sauce au chocolat et griottes d’une grande finesse et, pour un équilibre sucré-salé, un peu de sel noir d’Hawaï. On vendrait son âme au diable pour ne jamais arriver au fond de l’assiette!

Je poursuis avec un des plats-vedettes de l’établissement: les rognons de veau aux deux moutardes. Encore ici, la cuisson est irréprochable, pour une chair rosée et tendre. Seul bémol: la dominante trop vinaigrée de la moutarde de Meaux, présente aussi dans la purée, ce soir-là… Une julienne de légumes au gingembre complétera le tout. En face de moi, c’est la découverte: j’ai convaincu mon homme de sauter… sur le kangourou! Une viande rouge très maigre qu’on recommande de manger plutôt saignante et dont le goût s’apparente au cerf d’élevage. Une sauce à la mangue et au poivre noir défie toutes nos appréhensions et, n’eut été du générique de Skippy que je lui sifflotais à l’oreille, Chéri se serait délecté sans remords!

Devant tant de bonheur, nous n’osons refuser le dessert. Une crème brûlée au chocolat blanc, miroir parfait et texture indécemment onctueuse, est vite engloutie dans un entrechoquement frénétique de cuillers.

Nous repartons repus et fort heureux de cette redécouverte. Un copieux repas pour deux se montera à 90 $, avant vin, taxes et pourboire.

Le Panaché
201, rue Eddy
Gatineau (secteur Hull)
819 777-7771