Restos / Bars

Vella : Chic et rustique?

Boulevard Saint-Laurent, au coeur d’un Mile-End en ébullition, une nouvelle adresse sert une cuisine rustique dans un cadre raffiné. Parfum de contradiction? La Main n’en est certainement pas à son premier paradoxe!

Le Vella est né d’une rencontre entre un chef italien (Giovanni Vella) et un propriétaire portugais. Cherchant le dénominateur commun à leurs souches européennes, ils ont pris le parti d’offrir à leur clientèle ce que leurs grands-mères respectives mitonnaient de meilleur. Ils ont décidé de puiser à la source, de priser l’"authenticité" et donc de faire un pied de nez à la virtuosité de chefs dont les cuisines sont de véritables laboratoires de chimie. À leur philosophie culinaire, ils ont greffé l’épithète "rustique". Porté par cette ligne directrice, on imagine tout de suite une cuisine familiale qui fleure bon la campagne, servie dans un décor de boiseries patinées et de nappes à carreaux… Amateurs de repas à la bonne franquette, ne vous embrasez pas tout de suite. C’est dans un cadre contemporain, chic et un tantinet guindé que cette cuisine aux contours bruts est proposée.

À table!

La carte concise présente une sorte de melting-pot de saveurs méridionales. Entre la morue portugaise et les pastas italiennes, la première lecture laisse un peu pantois. Comme les propositions sont beaucoup plus nombreuses en entrées qu’en plats de résistance, on opte pour la formule tapas, à l’espagnole. Notre voyage en Méditerranée ne connaît donc aucune frontière!

Le terroir s’invite d’abord à notre table avec un fromage et une charcuterie parmi la sélection au menu. Côté lacté, on hésite entre le manchego, l’asiago, le gorgonzola et le pepato (fromage à pâte ferme, criblé de grains de poivre entiers) tandis que côté carné, le prosciutto vieilli et le jambon serrano nous font de l’oeil. Nos préférences arrivent accompagnées de tranches de pain grillées arrosées d’un filet d’huile d’olive. Le caractère paysan de la présentation efface la déception de ne pas trouver au menu une assiette dégustation qui nous aurait épargné le choix.

Puisqu’il faut aussi choisir parmi la ribambelle d’antipasti au menu, on délaisse poivrons grillés et champignons marinés pour se pencher sur des entrées tièdes: les calmars braisés parfumés à l’ail et la polenta au ragoût de lapin. Les tronçons du mollusque, plutôt tendre, sont servis en portion généreuse, à travers des feuilles de roquette. Pour sa part, la polenta se démarque par le soyeux de sa semoule, aussi moelleuse qu’un gâteau. Le mijoté qui la surplombe n’a pour sa part rien de renversant. Quelques spécialités de morue sur la carte invitent à mettre le cap sur les côtes portugaises. Les croquettes de morue, un peu trop salées, pourraient indiquer qu’on a passé vite l’étape du dessalage. Parmi les plats de viande, on goûte un agréable carré d’agneau, présenté dans son plus simple appareil, sur un lit de rappinis.

Quant à la carte des vins, principalement composée d’importations privées de l’Espagne, du Portugal et de l’Italie, elle est judicieuse, mais un brin onéreuse (11 $ le verre et 45 $ pour la bouteille la moins chère).

À la sortie de table, on est satisfait sans être ébloui. En fait, un doute persiste (ou est-ce la méfiance abusive du critique?): l’étiquette de cuisine rustique n’est-elle pas au fond une manière de s’en tirer élégamment en ne déployant pas tout un arsenal en cuisine? Non pas que la complexité soit toujours un gage d’excellence ou que la simplicité n’ait de vertus, mais à la réception de la facture, on constate que la rusticité proposée au Vella est tout de même chère payée.

Petites douceurs

Le soir de notre passage, rien de sensationnel à signaler du côté des desserts: seulement trois propositions parmi lesquelles un tiramisu et un panna cotta s’imposent comme une évidence.

Emballant

Les serveurs ont proposé à nos voisins de table une formule sympathique: composer des assiettes pour leur permettre de goûter un peu à tout, en tenant compte de leurs préférences et de leurs allergies. Malheureusement, nous n’avons pas eu la chance de nous faire présenter cette option qui ne figure nulle part au menu.

Décevant

Si ce n’est des légères traces de calcination sur le pain, la rusticité du Vella est passablement aseptisée. Même si les plats sont bons dans l’ensemble, on n’y trouve pas le surplus d’âme avec lequel l’établissement compte faire sa marque. Peut-être manque-t-il quelques cuillérées de l’amour que la grand-mère ajoute à ses chaudrons pour que la recette soit vraiment réussie? Toujours est-il que dans cette ambiance très BCBG, la simplicité de la cuisine paraît désincarnée.

Combien?

Sur l’heure du lunch, une table d’hôte est proposée entre 15 $ et 20 $. En soirée, on encourage les convives à multiplier les petits plats, ce qui fait vite s’élever la facture à une quarantaine de dollars par personne avant le vin, les taxes et le pourboire.

Quand?

Le restaurant est ouvert les midis, du mardi au vendredi et en soirée, du lundi au samedi. Il prend relâche le dimanche.

Vella
5282, boulevard St-Laurent
514 274-8447