Ma première visite de ce restaurant remonte à 1997, l’année même où il ouvrait ses portes – et environ trois mois après qu’on y eût servi les premiers clients. Je l’avais découvert au hasard d’une promenade dans le Vieux-Lévis et je m’en souviens bien. Ç’avait été un coup de coeur qui ne s’est pas démenti par la suite. L’été pliait bagage sans trop se presser. Je me rappelle l’"horriblement sympathique sorcière" chevauchant un vieux balai sur la terrasse déjà prête pour l’Halloween… À propos d’une poêlée de foies de lapin, j’avais d’ailleurs écrit: "Ce mariage de goûts se révèle un mariage d’amour, puisque je suis conquis." Dès le début, l’établissement s’était distingué par des menus un peu différents des autres. Par la suite, il m’est arrivé de déplorer de loin en loin certains détails, mais il y avait chaque fois un nouvel élément de surprise, d’agréable surprise. Au fil des ans, complice d’une carte qui ne cessait d’évoluer, la cave s’est enrichie et diversifiée au point de faire l’orgueil des proprios et de la sommelière qui vous présentent fièrement leurs meilleurs crus, leurs trouvailles de toutes provenances, leurs nombreux vins d’importation privée, leurs portos et autres alcools. Actuellement, deux chefs se relaient aux fourneaux: Steve Levasseur et Stéphane Breton. Ce midi, malgré la faim qui nous tenaille, mon amie et moi, nous passons un temps fou à lire et à relire les cartes – celle des mets autant que celle des boissons. La salle à manger est bondée, mais notre lecture nous "abstrait" de l’ambiance. Je sirote machinalement une Sleeman; mon amie, un verre de Verdicchio (Umani Ronchi 2006) délicat et fruité. Nos entrées commandées, nous continuons à nous régaler la vue et l’esprit, hésitant entre le suprême de poulet sur le gril (sauce à la pêche et à l’estragon frais), les linguines sauce crème au pesto de tomates séchées, le sauté de mignon de boeuf à l’arachide, les tartares (saumon ou boeuf), les pétoncles grillés… Ah, le premier service! Mes calmars frits s’accompagnent d’une sauce chili sucrée (pas trop) semée de ciboulette ciselée. Les mollusques sont plutôt bien portants et présentés, non pas en rondelles, mais en tronçons. Je crains qu’ils ne soient coriaces et y goûte avec une certaine appréhension. Eh bien, non! Alors, je me dis: "Go!" Les grosses crevettes tempura amenées pour mon amie sont groupées autour d’un tian un peu relevé (avocat, papaye, tomates, etc.) qui leur sied bien. De nouveau, les cartes: nous devons nous décider pour la suite. Côte de porc grillée (sauce pommes et gingembre)? Magret de canard laqué? Jarret d’agneau braisé 12 heures? Parvenu au filet de saumon sauce betterave et mascarpone, je m’aperçois qu’il s’agit là des plats du soir. Retour obligé au menu du jour. Parce qu’il fait beau et presque chaud, mon amie opte pour une pimpante salade surmontée d’une "rosette" de bacon. Sa fourchette va bon train dans cet agréable mélange de laitues, de coeurs d’artichauts, trévise, cachous et tranches de prosciutto. En y goûtant pour lui faire plaisir, je me fais plaisir aussi, avant de m’intéresser à ma longe de saumon sauvage cuite à l’étouffée et semée de fines herbes. La sauce, au curry et au lait de coco, m’est servie dans un petit verre étroit où je plonge presque chaque bouchée. Je dis "presque" parce que le poisson pourrait se suffire à lui-même. Cuit sans exagération (et sans être non plus du sushi), il présente en outre une texture moelleuse, sans sécheresse aucune. J’y prends goût, j’en redemanderais… Oui, il m’arrive de me dire de temps à autre que certains chefs finiront par me faire aimer le saumon… L’appétit, hélas, se fait prier même pour m’aider à terminer mon assiette qui, je l’avoue, ne repart pas vide. "Gâteau à la crème de pommes du Domaine Pinnacle et pralin chocolaté": à l’énoncé du dessert, j’évite de commenter; j’évite également de regarder mon vis-à-vis qui, elle, m’interroge du regard, je le sens. Je n’y suis donc pour rien si cette gourmandise est venue peu après se poser entre elle et moi. Et ce n’est même pas ma faute si j’y ai goûté. Trois fois d’affilée, la fourchette est partie toute seule, j’en suis témoin.
Restaurant L’Intimiste
35, avenue Bégin
Lévis (Québec)
Téléphone: 418 838-2711
Menu lounge (à la carte): 4 à 16 $
Menu du jour: 11 à 28 $
Table d’hôte: 30 à 45 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 56,85 $