Rien n’a changé, depuis notre dernière visite, à part le nom de la rue – de cette rue que certains disent "patrimoniale" et à laquelle, selon eux, il n’aurait pas fallu "toucher". Sur le trottoir, à droite de l’entrée, trois tables en enfilade meublent une micro-terrasse délimitée par une petite balustrade de métal et agrémentée de jardinières. À l’intérieur, trois couples occupent la salle à manger. Il est encore tôt; d’autres clients s’amèneront au cours de la soirée. L’endroit n’est pas pour autant triste et tranquille. Il y a, pour l’ambiance, cette "musique du monde" qui vous coule en douce dans les membres, et vous tapez discrètement du pied sous la table. Pour les regards curieux, les cuisines sont tout près – du moins, pas très loin: il vous suffit d’étirer un peu le cou et de jeter un oeil par-dessus le comptoir. Une brève échappée de vapeur ou de fumée, quelques bruits d’ustensiles, un bref chuintement de friture… Et vous attendez que les odeurs s’amènent jusqu’à vos narines… "Tu es là?" demande mon amie, un tantinet inquiète. Je m’"éveille", pour ainsi dire, et m’aperçois que la jeune serveuse qui nous avait reçus et placés est devant nous, souriante. Je comprends ou je devine, avec un peu de retard, qu’elle vient de me poser une question. Un apéro? Bien sûr. Ce sera une Griffon blonde. Elle me l’apporte bientôt, en même temps que le cocktail commandé par mon amie – un frais mélange maison à base de jus de canneberges, d’amaretto, de liqueur de litchi et de zeste de lime. La table d’hôte tient en quelques lignes sur un tableau noir accroché au mur: tarte à l’oignon, salade de crevettes, suprême de volaille farci. Nous avons aussi droit à la carte plastifiée qui s’ouvre sur le saumon des tropiques mariné au vinaigre de framboises, la poire au bleu et noix de Grenoble, les crevettes poêlées, la tulipe d’escargots sautés à la crème d’ail, le feuilleté au canard. Après les nachos, les salades (chèvre chaud, pom’crevettes, etc.), on en arrive à la série des burgers: "Le Migneron", "Le Suisse", "Le Biquet", "Le Petit Berger" (agneau, menthe, oignons verts et cheddar fort)… Pas question de me rendre jusqu’aux sandwichs, aux pizzas et aux plats plus élaborés de viande ou de volaille, bavette bistro, cuisse de canard de Charlevoix et toutim… Nous avons trop faim. Le temps pour nous de trinquer encore une fois, nos entrées sont servies. Crevettes nordiques pointillées de graines de pavot, rondelles de lime, fines rondelles d’oignons, concombres, laitue, tomates et carottes: cela vous fait une belle salade bonne en bouche, mouillée sans excès d’une vinaigrette piquante à la lime. J’ai choisi, moi, la tarte à l’oignon, aux olives noires et aux champignons. La croûte est faite d’une fine pâte brisée (presque feuilletée). Du vinaigre balsamique caramélisé dessine des arabesques autour de l’assiette. Je ne néglige pas trop la petite salade d’accompagnement; je n’en abuse pas non plus. Pour entamer le deuxième service, mon amie se fait apporter un verre de rouge (Laroche Trois Grappes, 2005). Une grande "langue" de courgette grillée s’étire entre deux tranches de suprême de volaille farcies de chèvre épicé. Tout autour, chou-fleur, brocoli, carottes, panais et purée de pommes de terre à la fleur d’ail composent une garniture tranchant sur le brun-noir de la sauce au chocolat. Mon vis-à-vis savoure tout cela des yeux avant d’y risquer une fourchette presque timide. "C’est bon", dit-elle sur un ton de verdict. Si elle avait semblé sceptique avant d’y goûter, elle semble maintenant rassurée. En effet, les goûts ne jurent pas; le mélange chèvre et "sauce choco" révèle des affinités insoupçonnées – par moi, en tout cas. C’est le moment de revenir à ma propre assiette: l’épais burger "Le Bleu Matelot". Il ne restait malheureusement plus de fromage bleu; j’ai accepté qu’on me le remplace par du chèvre. Boeuf Angus, fromage, tomates et champignons sautés s’étagent entre deux moitiés de ciabatta avec, à côté, des cornichons finement tranchés. Pour compléter, un petit amoncellement de frites campagnardes – grosses, brûlantes, dorées, bien assaisonnées (et un peu trop salées). Le burger est costaud et de bon goût, mais je dois aussi avouer que la viande est un peu sèche – et que l’"humidité" de la tomate et des cornichons m’est d’un grand secours. Je mange néanmoins avec appétit… jusqu’à plus faim. Il ne nous reste aucune place pour les desserts? Nous ne sommes pas les premiers à qui cela arrive ici. La maison a ce qu’il faut pour emballer vite fait ce que nous avons choisi parmi les "Desserts de Marina", en l’occurrence un gâteau praline, érable et chantilly.
Le Fin Gourmet
774, rue Raoul-Jobin
Québec (Québec)
Téléphone: 418 682-5849
Repas légers à partir de 7 $
Table d’hôte: 23,95 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 64,95 $