Anise n’a pas tellement changé. Dans le fond, Racha Bassoul non plus. Pourtant, la madame avait créé toute une commotion dans le petit monde de la gastronomie, au début de l’année. En fermant Anise, et alors qu’Éric Gonzalez quittait le Cube et que Ian Perreault fermait son Area, elle avait déclenché une crise. Y a-t-il de la place pour une grande gastronomie à Montréal? On s’en fout. Une foule de petits établissements offrent une cuisine colorée, vivante, soignée et exquise. Bazaar est un retour vers les racines, la franchise. Un grand plaisir. Côté déco, ouverture: tables plus bistro, grands miroirs et toujours cette sobriété beige, presque monacale. Le temple des papilles. Commode: le lounge entre deux étages et le coin intime supérieur, pour petits groupes.
Cérémonial
L’atmosphère est calme. Musique discrète, brouhaha minuscule. Le service est hyper-attentionné. Quelques amuse-bouches: hummus et baba ghanouj soyeux. Pain pita frais ou en croustille, pain rustique grillé. Olives marinées de toutes les couleurs. Un gros point.
Entrées: la carte file vers le Moyen-Orient, et plus loin encore. Falafels, samosas, saucisses et sardines grillées. Pieuvre grillée, aussi. Avec salade de lentilles rouges et échalotes frites. Et un tartare de saumon, huile de chipotle, pommes allumettes et mayonnaise au curry, assaisonnement au wasabi. Mélangé, vous dites? Surprenant. Invincible. Le poisson est frais, parfaitement coupé en petits cubes réguliers. Résultat: saveurs multiples mais concordantes, dotées d’une rare précision. Et les samosas… Petites merveilles enrobées d’une pâte claire, légère, farcis de légumes de saison, que l’on trempe dans un chutney de mangue et de coriandre… qui nous rendent coi.
Aussi offertes en mini-portion, en entrée, les joues de veau de Racha valent à elles seules le détour. D’ailleurs, c’était un plat vedette d’Anise: preuve que notre chef n’a pas tout abandonné. Des joues de veau, donc, d’une tendreté exceptionnelle, résultat d’heures de patience, baignant dans une sauce serrée mais abondante, véritable concentré de saveurs orientales. Un trait de yogourt à l’ail, éclats de pita frit et pignons grillés. Un instant de béatitude. Sérieusement: on appelle ça un orgasme gastronomique. Point à la ligne.
On s’en remet, pour goûter à ce demi-poulet de Cornouailles, glacé au yogourt et au ras-el-hanout, le fameux mélange d’épices phare des épiceries maghrébines. Juteux, tendre, il s’accompagne, au choix, d’une ratatouille divine ou de frites, tout simplement.
Dans ce Bazaar, Racha joue sur la variété. Pizza au goût du jour, cailles grillées en robe de vigne, parfumées au curry, et pour les amateurs, un généreux poisson du marché entier grillé avec "pommade" de coriandre, gingembre et cumin. Mignon, non?
Petites douceurs
Séduisante terrine de petits fruits rouges en gelée pleine d’ampleur. "Petit pot de grand chocolat" un peu plus ordinaire, à la texture d’un fondant trop cuit. Parfum de badiane emballant.
Décevant
La main lourde sur le sel. Allez-y mollo, que diable! Et laissez-nous un peu de fleur de sel sur la table, idéal pour équilibrer.
Emballant
Le jeu perpétuel des saveurs. L’impressionnisme dans la présentation, l’expressionnisme à la livraison. La carte des vins détendue. Un rouge libanais agréable et abordable.
Combien?
Un minimum de 30 $ par personne, rien que du bonheur. Vin au verre de 5 à 14 $. Sake offert pour les aventuriers.
Quand?
Du mardi au samedi, de 18h à minuit.
Où?
Au 104, avenue Laurier Ouest, angle St-Urbain. Tél.: 514 276-6999. Info: www.anise.ca.