Restos / Bars

Vauvert : Fricoter avec le diable

Sur les cendres encore chaudes du Cube, le Vauvert s’enflamme. Que se trame-t-il dans ces braises brûlantes? Diable… mais des fricots, l’ami.

Objectif: ambiance. Pas facile, le rôle du phénix qui renaît de ses cendres. Le Cube était le joyau gastronomique du superbe Hôtel St-Paul. La barre était donc haute pour le Vauvert. Quoi de plus rassurant, alors, que de se laisser bercer par une bonne vieille légende (celle de la Chasse-galerie), renouvelée par un art culinaire très contemporain? Car Vauvert est un resto-concept. Un pur produit des dernières tendances de la mise en marché. La déco, d’abord. Noir sur noir. Flammes de l’enfer emmurées. Lumières diaphanes de ciel étoilé et bois brut très forestier. Ne manque que le canot, mais on rame à le trouver. La carte, ensuite. Longue énumération de plats aux consonances branchées.

FRICOTONS

Dans le très chargé marché des petits plats à partager, le Vauvert a dégoté un terme peu utilisé: le fricot.

Arrêt sur image. Le fricot, chez les Français, désigne un ragoût populaire, plutôt ordinaire. En dérive d’ailleurs le verbe fricoter, qui laisse entendre un mauvais coup préparé en secret. Au Québec, les colons désignaient par ce mot un festin généreux. En Acadie, il s’agit plutôt d’une fricassée de poulet ou de poisson… Au Vauvert, on a décidé qu’il s’agissait d’une autre façon de nommer les tapas espagnoles et pintxos basques, mais c’est bien la même chose: des mini-assiettes qui permettent de se dégourdir les papilles pour pas trop cher. C’est la mode: le public en redemande, alors pourquoi se priver?

Ainsi, en soirée, ces fricots peuvent remplacer avantageusement les traditionnelles entrées. Pour deux, quatre suffiront. Les acras de morue, petites boules frites, n’approchent pas la qualité des fameuses croquettes similaires à la portugaise. Une mayonnaise pimentée relève le tout. Le tartare de saumon, par contre, séduit par sa simplicité: huile de sésame, légumes émincés sauce aigre-douce (carottes, fenouil) et aérienne crème montée au wasabi. Le bavarois de fromage de chèvre au pesto de roquette est joliment moelleux, revigoré par une salsa de mangue à la coriandre. De chouettes babioles à vous mettre en sérieux appétit.

La cuisine de sieur Pascal Leblond, qui officiait à l’heure du midi au défunt Cube, se définit par une influence carrément méditerranéenne à l’accent pourtant local, par le choix des produits, de saison si possible, et des mélanges quelque peu exotiques, preuve s’il en est que Montréal est une ville gourmande et mondialisée.

Très classique, le risotto est d’une cuisson impeccable. Cèpes, herbes et copeaux de parmesan, rien de plus simple. Et une mignonne réduction de vin rouge et de vinaigre balsamique très joyeuse, bienvenue pour rehausser cet incontournable de la cuisine italienne.

Le thon, belle pièce, est rosé avec grande précision, puis aligné sur une suave purée de pois chiches avec légumes au cari et pipérade typiquement basque. Chaque préparation est intimement présentée dans son coin, prête à fricoter avec son voisin. Très bien.

On aurait aimé déguster aussi d’autres petits bonheurs de plats, comme ces ris de veau ou ce filet mignon, visiblement préparés avec grand soin et amour de la bonne chère, mais il aurait fallu être le double de convives! Ce sera pour une prochaine fois.

Grandes douceurs

Un point fort: les desserts sont réalisés avec autant d’attention que les plats. Le chocolat fondant est d’une densité généreuse, surmonté de fines tranches d’ananas rôties conservant la place à l’authenticité des saveurs. Amusant, ce gâteau au fromage tout en légèreté, présenté sur un sablé bien beurré et décoré d’un splendide caramel au fruit de la passion.

Décevant

Côté cuisine, difficile d’être déçu par la précision du travail. Mais aimerez-vous le côté sombre de la force? Cette ambiance passe-partout qui fait ressembler un resto torontois à un confrère montréalais? La musique techno-pop lassante?

Emballant

La justesse des saveurs. L’équilibre et l’esthétique des plats, convaincants. Qui font même oublier la branchitude exagérée des lieux.

Combien?

Le midi, comptez 30 $ par personne. Le soir, doublez généreusement, pour un joli festin, quand même.

Quand?

Midis: 11 h 30 à 14 h 30. Soirs: 18 h à 23 h. Fricots dès 17 h et jusqu’à 1 h le samedi.

Où?

Au 355 de la toute rénovée rue McGill. Métro Square-Victoria. Réservations: 514 876-2823.