J’ai sans doute vu son enseigne plus d’une centaine de fois. Et un soir, comme ça, chez des amis, quelqu’un fait allusion à ce resto et je dresse l’oreille. Les commentaires ne m’apprennent rien, sinon qu’il est temps pour moi d’aller voir. Dehors, une petite terrasse. À l’intérieur, des lanternes colorées et deux ou trois jardinières accrochées au plafond. Dans l’aile gauche de la salle à manger, un groupe de clients discute avec passion d’un voyage prochain. Entre les bustes et les têtes qui bougent, on distingue dans les niches du mur des bibelots et autres objets décoratifs, dont un sampan miniature. Évidemment, il fallait apporter son vin; nous n’y avons pas pensé. Mon invitée se commande tout de suite un thé. Que choisir parmi ces spécialités thaïlandaises, vietnamiennes et cambodgiennes? Brochettes de poulet ou de boeuf, poulet au gingembre ou cambodgien, légumes au boeuf ou au porc, boeuf bò xào (sauté aux fèves germées et autres légumes, vermicelle de riz)… Pour ce qui est des poissons et fruits de mer, nous avons le choix de la darne de saumon (trey aing), des crevettes sautées à l’ananas (nuc xào gia), des pétoncles aux légumes, sans parler du "Délice de fruits de mer", plat de crevettes, pétoncles et calmars sautés aux fines herbes (plus légumes et riz). Un saut du côté des suggestions du chef nous apprend l’existence d’une assiettée de langoustines, des "Délices de Diana", du poulet du général Tao et des "Délices de Mékong" (sic) – brochette de fruits de mer suivie d’un demi-homard au beurre à l’ail. Peu loquace, bien que parfois souriant, notre serveur nous renseigne sans aucun luxe de détails, en tout cas pas davantage qu’un coup d’oeil jeté ici ou un fumet resquillé là. Je me décide pour une soupe won-ton sans enthousiasme particulier; mon invitée opte pour une samlor machou. Celle-ci vous réveillerait les papilles les plus endormies. Piquante, mais pas au point de vous anesthésier la bouche; on peut donc apprécier la saveur du bouillon où domine à peine la coriandre et où flottent brins de vermicelle et morceaux de poulet. À la première bouchée, je demande au serveur si les won-tons de ma soupe sont faits maison. Il confirme ce dont je ne doutais pas, car ces… "raviolis chinois" sont savoureux et ne rappellent en rien ce goût "commercial" ou "standard" auquel on se résigne parfois, faute de mieux. La farce est généreuse et bien assaisonnée. Anneaux d’échalotes vertes et copeaux d’oignons frits flottent dans le bouillon clair et délicieux. Voici venir des rouleaux impériaux… que je n’attendais pas. Nous en avons chacun deux, mon invitée et moi; je renonce aux miens, elle est preneuse. Je me permets tout de même une bouchée – pas deux, ni trois. Légers, peu gras, croquants, bien garnis… Ils sont bons, quoi!… Les petites assiettes repartent et, là, j’ai hâte. Je n’attends pas trop longtemps mon plat de résistance. Deux cailles, d’abord aplaties en crapaudine, puis divisées chacune en deux. Avec ça, un monticule de riz blanc que je me surprends à aimer, surtout les bouchées imprégnées de la sauce teriyaki un peu sirupeuse (pas trop sucrée) des cailles. Les cailles? Je tourne autour avant de les affronter, je me fais languir, m’attardant au superflu – bok choy, carottes et brocoli d’ailleurs un peu trop sucrés à mon goût. Puis c’est l’attaque en règle. Des "mordées", comme on dit, dans la petite chair bien grillée qui n’en reste pas moins juteuse. J’en ai les doigts qui jutent aussi et je risque à tout moment d’en croquer un. Une crevette atterrit dans mon assiette. "Tu vas aimer", dit mon invitée. En effet. Son assiette réunit dans une même sauce brune des crevettes et des cubes de porc mêlés de vermicelle de riz et de légumes (fèves germées, carottes, chou et champignons). Cette combinaison n’est incongrue qu’en apparence; en bouche, elle semble aller de soi. Mon invitée y laisse tomber une bonne cuillerée de cette sauce piquante qu’elle s’est fait servir à part. Pour finir, un peu plus tard, je commande avec mon café un tapioca – le plus pâle que j’aie vu de ma vie. Il a tout de même, un peu, le goût du lait de coco et se mange avec plaisir. Mon invitée se contente d’un thé et parle déjà d’une petite marche digestive.
La Petite Dana
311, rue Saint-Paul
Tél.: 418 692-3848
Table d’hôte: 16,95 à 18,95 $
Suggestions du chef: 18,95 à 25,95 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 45,46 $