Le temps s’y prêtait. En ce dimanche tranquille et serein, nous nous sommes donc tapé une virée dans Charlevoix, histoire de nous griser d’air pur… et frisquet. Cela ouvre l’appétit: nous en avons la preuve formelle sur le chemin du retour. Les kilomètres semblent mesurer des milles. Ce que nous trouvons de mieux pour tromper la faim produit l’effet contraire. En effet, nous nous reparlons du Conti Caffè où, la semaine précédente, nous avions atterri en fin de journée. Nous avons beau tenter d’autres sujets de conversation, nous revenons obstinément aux bruschette, fettucine, vitello et consorts. Quand, à vingt heures pile, nous laissons notre véhicule au voiturier, nous avons l’estomac plus bas que les talons. Le restaurant est bondé. À ma gauche, le mur de brique s’orne d’une peinture de Pauline Bressan. Au-delà du bar, dans une autre partie de la salle à manger, on entrevoit un second tableau, plus coloré, de la même artiste. Des clients attendent à la porte qu’on leur dresse une table qui vient de se libérer. Les conversations vont bon train. Tintements de verres et bruits de voix se croisent. Je suis du nez un sillage parfumé et découvre, sur la droite, des côtelettes d’agneau dressées comme un tipi dans une assiette blanche. Mon regard dérive vers une salade, un autre plat de viande, un dessert… Je m’octroie une bonne gorgée de mousseux et m’intéresse enfin à la carte: le veau sous toutes ses formes (côte, médaillons et autres), le filet de boeuf grillé, l’entrecôte aux poivres, l’agneau aux herbes fraîches, les crevettes, la poêlée de pétoncles en salsa de mangues épicée et les inévitables pâtes – liguine al pesto e pinoli (pesto et pignons de pin), fettucine, farfalle, penne, spaghetti, tortellini… J’ai fait mon choix. Ma compagne émerge de la table d’hôte, le regard flou et l’esprit sans doute encore meublé d’appellations suggestives: filet de bar noir grillé, bisque de crevettes, saucisse de cerf et porc sur polenta grillée, suprême de volaille et manchon à la Diavola… Nous n’avons pas à attendre longtemps. On lui sert bientôt sa salade mixte: petit mesclun, pousses de blé d’Inde, noix de Grenoble, dés de pommes, croûton au gorgonzola et, dressée dessus comme une pleine lune, une fine tranche de pomme frite. Il en résulte un parfait équilibre entre le sucré et le salé, et entre les différentes textures liées par le fromage fondant et une vinaigrette de bon goût. Dans mon assiette, un brin d’aneth décore deux petites pinces de crabe des neiges posées sur des raviolis de homard. La sauce, une vraie bisque, onctueuse, serrée, mais sans amertume. Nos assiettes reparties, nous avons le temps d’échanger quelques mots – culinaires, évidemment – avec les clients de la table voisine. Et c’est déjà le deuxième service. Mon amie se prépare les papilles avec une bonne gorgée de vin rouge maison (Serenata 2006, avait dit notre serveuse en l’apportant). Son osso buco de wapiti a belle allure: imaginez un imposant morceau de viande et sa sauce brune qui se répand en abondance sur son lit de… Ce devait être du risotto, en dessous, mais la pièce est posée sur du riz blanc. Bref conciliabule avec la serveuse qui lui propose d’en apporter séparément. Mais cela ferait trop de riz dans l’assiette: mon vis-à-vis demande plutôt de la polenta. Elle n’y perd pas au change. La voilà donc équipée, je crois, pour terrasser toute faim présente et à venir: wapiti, poivrons, fenouil, riz, sauce savoureuse au discret goût de genièvre et de zeste d’agrumes… et ces trois petits pains de polenta crémeuse, pomponnés de sauce tomate et poudrés de parmesan… Qui me croirait si je prétendais n’y avoir pas goûté? J’ai fort à faire, tout de même, face à deux nocetes di vitello con prosciutto e Brie, entendez par là deux médaillons de veau ceinturés de prosciutto avec, dessus, du brie fondant qui répand paresseusement ses bontés. La viande est d’excellente qualité, de texture fine, juteuse, complaisante sous la dent. À côté, des spaghettini à la crème garnis de sauce tomate et de tomates fraîches. Très bons. Rien à redire, sinon qu’en présence de viande, j’ai tendance à oublier les accompagnements. Je persiste… et termine mon assiette sans aucun remords. Mon amie s’offre un "café Conti" – qu’on a bien voulu modifier pour elle (je ne me rappelle plus avec quels alcools, car je rêvasse encore). Pour moi, ce sera un café plus sage, car je m’en promets de belles avec le croquant au chocolat praliné: mon coup de foudre de la semaine dernière.
Conti Caffè
32, rue Saint-Louis
Québec (Québec)
Tél.: 418 692-4191
Table d’hôte: 24 à 30 $
Menu du jour: 9,95 à 16,50 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 108,82 $