Là se trouvait, il y a trois ans, un petit bistro de quartier dont le décor se voulait un amusant clin d’oeil au Québec d’"autrefois". J’y repensais chaque fois que mes courses me ramenaient dans les parages et souhaitais confusément le voir ressusciter ou, à tout le moins, découvrir quelque chose de nouveau à cette adresse. Et voilà: cela fait près d’un mois que Le Kilimandjaro a ouvert ses portes… et deux semaines que j’ai hâte de m’y rendre. La première impression est bonne. Sur la droite, tout un pan de mur rouge auquel s’adosse un grand comptoir. À gauche, de petites peintures héritées de l’ancien occupant décorent une partie du mur de briques qui, tout au fond de la pièce, s’agrémente de deux tableaux haïtiens. Les nouveaux propriétaires ont laissé tels quels, au plafond, les fils électriques arrimés aux vieux isolateurs de porcelaine. Tiens!… Des odeurs timides nous parviennent des cuisines proches, ainsi que du centre de la salle à manger où une tablée familiale soupe avec une satisfaction évidente. Toutes les tables sont mises, mais sans verres. L’accueil est très gentil. Le service le sera tout autant, mais devra nettement s’améliorer. Il lui faut se montrer digne de cette cuisine que je recommande sans hésiter aux gourmands et gourmets. Bref, pour l’heure, nous avons pris place. La carte? Il ne semble pas y en avoir. La souriante proprio est devant nous avec son carnet, prête à noter notre commande. Le menu se résume à quelques noms de plats laconiques inscrits sur un tableau noir accroché au mur, derrière moi. Nous les déchiffrons bien, ma compagne et moi, mais les mots ne nous sont pas tous familiers. La soupe kanja, qu’est-ce que c’est? Si nous connaissons déjà le foufou (ou fufu), les gombos et le ndolé, la sauce gombon, elle, nous est plus étrangère encore que cette petite céréale appelée fonio. Les boissons? Le permis d’alcool se fait encore attendre, mais on peut tout de même consommer des jus de mangue ou de gingembre – et sans doute du bissap, un jour prochain. Questions, réponses, explications et précisions se suivent, nous amenant bien vite à une double conclusion: tout cela semble très bon et notre faim a gagné beaucoup de terrain. Notre commande passée, on nous apporte tout de suite des amuse-gueule: arachides blanches et arachides caramélisées (maison). On oublie de nous demander ce que nous aimerions boire. Mon entrée est constituée de deux tatales – beignets de bananes plantains mûres et oignons. Chauds et délicieux, escortés de rondelles de concombre. En attendant la suite, mon amie et moi allons à tour de rôle jeter un coup d’oeil au sous-sol – en cours d’aménagement pour les futurs soupers dansants. De retour au rez-de-chaussée, nous fouinons encore un peu pour découvrir, derrière la salle à manger, trois salons privés, dont un, intime et plus petit, meublé de poufs. À l’entrée du large couloir menant aux dépendances, des DVD de films africains occupent les quatre rayons d’une étroite bibliothèque vitrée… Au service suivant, mon amie a droit à une assiettée de riz blanc, à des morceaux de plantain frit et à une bonne mesure de soupe kanja. Cette dernière est en fait une sauce, légèrement relevée, parfumée, goûteuse à souhait. Il y entre de l’huile de palme, des gombos et du poisson fumé. À moi le mbongo, dont la description m’avait fait saliver! Imaginez une sauce foncée, presque noire, et assez savoureuse pour vous donner envie d’en savoir plus sur elle. Dix épices et aromates entrent dans sa composition. On nous les montre, ils sentent bons, mais leurs noms ne nous disent rien: le mbongo est une écorce que l’on broie, le ndjansan (graines d’une euphorbiacée) rappelle les pois chiches… Il y a aussi le pédès et d’autres et d’autres. Cette sauce s’accompagne elle aussi de riz blanc et de plantain frit. On n’a pas pensé nous servir de l’eau, nous devons donc en demander. Deux gorgées plus tard, nous revenons à nos assiettes respectives, mangeant avec autant d’ardeur que de plaisir, attentifs à ces saveurs nouvelles qui nous sont, sur la langue, autant de petites flatteries. Nos serviettes de papier sont de celles qu’on trouve dans les casse-croûte: inutile de dire qu’il nous faut vite en appeler d’autres à la rescousse. "Tu sais qu’ils préparent aussi des mets à emporter?" Mon amie avait, je m’en souviens, reçu une pub à cet effet. Je souris malgré moi, fantasmant déjà sur le yassa de poulet ou de poisson, les viandes grillées, le mafé (ou maffé), la chiquetaille, les crevettes sautées, la sauce odika (à base d’amandes séchées et râpées que certains appellent "chocolat indigène")… Ce soir, nous nous contenterons, pour terminer, de petits beignets de bananes (ronds comme des "trous de beignes") et d’un café fort mâtiné de lait aromatisé.
Le Kilimandjaro
Resto-bistro-lounge
239, rue Saint-Vallier Ouest
Tél.: 418 529-1001
Bouchées et hors-d’oeuvre à partir de 3 $
Plats: 9,95 à 16,95 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 38,62 $