Restos / Bars

La Gaudriole : Si tu t'appelles mélancolie…

Le libertin a rendu son tablier. Marc Vézina, parti sous d’autres cieux, a légué La Gaudriole, sa cuisine gaie et vivante, à son élève, Nadia Boudreau. Pas facile de reprendre le flambeau.

Le chef Marc Vézina a certainement marqué la petite histoire de la restauration montréalaise. Sa gastronomie était audacieuse, intéressante. À l’époque, il s’agissait de s’éloigner, subtilement, de l’irritante mode "fusion" en cessant de mêler maladroitement, par exemple, tendances italienne et japonaise. C’était il y a dix ans…

Depuis, le genre s’est multiplié, raffiné.

Alors, comme pour marquer son territoire, notre nouvelle chef a tout de même choisi de revoir le décor de notre Gaudriole. Dix ans après le début de cette aventure, voilà un espace épuré, tout de blanc vêtu, plus contemporain. Agrandi, lumineux, mais chaleureux, rehaussé d’un beau plancher de bois franc. En cuisine, par contre, Nadia a préféré rester sur les traces de son sympathique prédécesseur. Était-ce une bonne idée? Décolorée, la cuisine "métissée" de Marc Vézina semble tout à coup avoir pris un petit coup de vieux…

À TABLE!

La carte a donc à peine changé. En soirée, la table d’hôte comprend le plat et une entrée, fromages et desserts en supplément. Les habitués reconnaîtront aisément le menu, même si les plats prennent des tons de saison. Comme ces incontournables légumes-racines et jeux de pommes. Dans le foie gras, par exemple (frais supplémentaires à prévoir), servi avec une déclinaison de pommes en compote ou en tranches grillées. L’escalope n’a cependant pas été assez saisie, si bien qu’elle affiche une mollesse un peu déprimante. Manque aussi ce support un peu ferme, comme le ferait si bien un peu de pain d’épice grillé.

La terrine de vivaneau prend la forme du pot duquel on l’a démoulée et s’annonce parfumée de cumin. Bien peu d’épice dans ce qui aurait pu être une séduisante combinaison. Le poisson repose sur un lit collant de tapioca vert fluo. Et pour cause, il est aromatisé au wasabi. Mais trop légèrement. Une touche de purée d’haricots rouges essaie de relever le tout, sans succès. Terne.

Le râble de lapin farci est un classique de la cuisine française tant appréciée de Marc Vézina. Des marrons, des champignons, ça sent Noël. La viande un peu sèche accepte fort bien la sauce tout de même savoureuse et généreuse. Le chou savoyard est farci à la crème, c’est évident. Il fait la vie dure au couteau, quand même. Une galette de pomme de terre, bien réussie, ferme cette marche quelque peu forcée.

Même impression avec le thon rouge. La cuisson du pavé est imprécise, trop à point pour l’amateur de chair rosée. Les carottes sont entières, grossièrement caramélisées, et la purée de pomme de terre et de patate douce, des plus banales. Cette cuisine manque simplement d’entrain. Le même que Marc avait perdu avec les années. C’est peut-être pour cela qu’il a rendu son tablier…

EN FIN DE REPAS

Le plateau de fromages est toujours aussi sympathique. Belle composition des meilleurs produits du Québec à un prix raisonnable. En dessert, retour sur des classiques. Il faut le dire, ils sont bien exécutés, même s’ils semblent, eux aussi, avoir un peu vieilli. Le pot de crème (hommage à Patrice Demers, le super pâtissier de chez Laloux) aux saveurs de cacao et de gingembre est démoulé sur un morceau de gâteau aux carottes. Le trio de chocolat revient sur les plaisirs multiples. Ceux du sorbet blanc, mousse de chocolat au lait et gâteau noir aux saveurs franches… quoique parfois "passées date"?

EMBALLANT /

Une déco aussi classe que chaleureuse. Un service impeccable. Une cuisine qui ne demande qu’à être raffinée et soignée!

DÉCEVANT /

La gastronomie flamboyante de M. Vézina transformée en cuisine un peu mollassonne. Un peu de verve! Le peu de monde pour un jeudi soir: on s’inquiète. Le manque de personnalité? Nadia, oserez-vous vous affranchir de l’ancien chef pour devenir maîtresse de vos fourneaux? Le vin, vraiment trop froid. Il faut régler d’urgence le problème de cellier.

COMBIEN? /

Pour deux, en soirée, comptez quand même 80 $. Le midi, intéressant: moins de 20 $ par personne!

QUAND? /

Du mardi au vendredi de 11 h 30 à 14 h. En soirée, et les week-ends, dès 17 h 30. Fermé le lundi.

OÙ? /

La Gaudriole

825, avenue Laurier Est

Réservations: 514 276-1580