Je connais un peu la cuisine de cette jeune chef-propriétaire qui a déjà fait ses armes dans d’autres établissements. Mais ce n’est sans doute pas suffisant pour imaginer ce que cela peut donner quand, dans son propre restaurant (assorti d’un service de traiteur), elle ne reçoit plus d’ordres que d’elle-même. L’accueil est on ne peut plus gentil et souriant, à l’avenant d’un décor où l’on se sent vite à son aise. Une lumière douce émane des lanternes blanches suspendues au plafond. Ici, un grand miroir surplombant un long canapé dont je n’aperçois de mon siège que le dossier rouge; là, un comptoir sur lequel trône une tête blanche de bouddha. Sur chaque table, une rose s’épanouit dans un verre à boire. Nous avons, de notre place, une vue partielle de la cuisine où s’affaire le personnel. À notre arrivée, une dizaine de clients occupent la pièce; moins d’une heure plus tard, le resto sera bondé, aussi bien la salle à manger que le salon qu’on entrevoit du couloir d’entrée.
L’ambiance donne faim pour toutes sortes de raisons: les bols qui fument, les assiettes qui franchissent le passe-plats, les odeurs qui nous racolent… et la carte déclinant ses calmars frits, crevettes tempura, rouleaux impériaux de Nhung, ses soupes-repas et ses salades santé. Un peu plus loin, ce sont les plats au wok (pad thaï, nid d’hirondelle, nouilles aux oeufs), diversement accompagnés, puis les "Plats réinventés d’ici et d’ailleurs" qui vont du burger de porc à la fondue orientale épicée. Mon amie s’est fait servir un verre de vin rouge (Syrah Terre 2000); mon estomac surmené ne vote ce soir que pour de l’eau fraîche. Nous passons une éternité à jongler avec les possibilités, incapables de nous décider à choisir telle entrée plutôt que telle autre. Les serveuses, toujours souriantes, ne nous pressent pas; nous nous pressons nous-mêmes, de plus en plus affamés. Judicieusement conseillés, nous finissons par opter pour l’"Assiette du chef" – grand plat oblong qui étale bientôt sous nos yeux de véritables petits trésors (presque tous en double exemplaire) accompagnés de leurs sauces respectives – arachides, nuoc-mam, etc. Les rouleaux de printemps? Je n’ai jamais pu m’y faire, et ce n’est pas faute d’avoir essayé. Mais je me rattrape sans retenue sur les crevettes tempura (délicieuses), les croustillants rouleaux impériaux, le dim-sum vapeur, les calmars frits, le tartare de boeuf (excellent et un peu relevé), la roulade de saumon fumé (au Philadelphia) et le cocktail de crevettes qui me fait l’effet (visuel et gustatif) d’un bon gaspacho. De son côté, mon amie use largement de sa pâte de piments. Elle appelle bientôt un deuxième verre de rouge à la rescousse. J’ai un peu abusé, je crois. C’est donc avec une faim un peu esquintée que j’aborde la suite, un peu plus tard. Mes cailles grillées à la vietnamienne chapeautent un lit de vermicelle de riz très fin qu’elles mouillent de leur sauce légèrement sucrée. Y a-t-il autre chose dans l’assiette? Peut-être. Je ne vois que ce que je veux voir… et manger. La cuisson des volatiles est parfaite. On en apprécie mieux l’assaisonnement à leur surface, car son goût s’estompe un peu plus loin, dans les replis de la chair. Les nouilles imprégnées de sauce permettent de compenser. C’est presque à une véritable plongée en apnée que se livre ma compagne. Sa fourchette creuse, remue, cherche dans le tréfonds du seau dans lequel on lui a servi son "Riz frit du Chef Lê", ramenant, bouchée après bouchée, calmars, pétoncles ou crevettes. Ces fruits de mer cuits juste à point se révèlent tour à tour souples, moelleux ou légèrement croquants, mais indistinctement savoureux. Nous arrivons, comblés, à nos dernières bouchées et nous promettons bien de nous arrêter là. Il me reste bien, tout de même, une petite place pour un café. Mon amie se dit la même chose, mais pour un thé vert. Elle se fait tout de même raconter les gâteries de la maison, gâteau au fromage, au chocolat ou Reine-Élisabeth, profiteroles au chocolat et toutim. Et alors elle se dit, après un moment de réflexion, qu’un beignet aux pommes et sirop d’érable serait le bienvenu. Elle me le prouve.
La Petite Boîte vietnamienne
281, rue de la Couronne
Tél.: 418 204-6323
À la carte: prix variés
Menu du jour: 11,99 à 14,99 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 73,75 $
Légende /
grande table : 5 étoiles
très bonne table, constante : 4 étoiles
bonne table : 3 étoiles
petite table sympathique : 2 étoiles
correcte mais inégale : 1 étoile