J’amène certainement avec moi quelques souvenirs – le nom d’un plat ou le parfum d’une sauce -, mais, sitôt servi et parfois un peu avant, j’en engrange déjà d’autres pour les prochaines visites. Nous avons pris place, mon amie et moi, dans cette partie de la salle à manger que nous affectionnons – celle qui, un peu surélevée, offre une vue "équitable" sur les deux cuisines vivement éclairées. C’est aussi le point où convergent les effluves racoleurs des deux mondes. Ça vous tiraille l’appétit à droite et à gauche. Nous cherchons sur la carte les raisons de céder à l’oriental ou à l’italien, suçotant littéralement nos apéros (Sartori, Valpolicella 2005, et Henkel Trocken) sans cesser de reluquer les tables où la bonne humeur s’éternise. Un groupe occupe le centre de la pièce. Non loin de nous, deux clientes conversent tout bas. Autour, un peu partout, des couples. Une escalope passe, suivie de quelques regards. Puis c’est au tour d’une assiettée de pâtes hérissée de grissini… Nous avons rapidement parcouru le "Menu aphrodisiaque" (terrine aux cinq gibiers, saumon en pâte, sauce orange et ail rôti… ), survolé les "Coups de coeur" (tartare de thon sur croûtons, sushi flambé, etc.). Après une lecture tout aussi rapide de la page des sushis, nous voici parmi les penne all’arrabiata ou au saumon fumé, les pizzas "Quatre saisons" ou au saumon et crevettes, les viandes (carré d’agneau, trio de tartares), puis de nouveau les spécialités japonaises. Nos choix sont faits. En attendant les premiers plats, nous commentons les décorations, encore discrètes, qui annoncent déjà les Fêtes: grosses boules colorées et luisantes, gros flocons de neige en styromousse… Bientôt, ce sera le père Noël animé qui amuse petits et grands. Pour moi, un nigiri sushi au foie gras, ceint d’une bande de nori. "Il est ceinture noire, dis-je: il va falloir s’y mettre à deux…" Mon amie rit doucement et recueille dans son assiette la bouchée que je lui offre. La mienne, ma portion à moi, a déjà disparu, pressée de prouver à mes papilles qu’elles avaient raison de saliver. Dans mon assiette se glissent subrepticement deux cuisses de cailles en tempura. Ma compagne m’indique d’un geste la sauce au sésame qu’on lui a servie en même temps que cette entrée. Après cela, nous nous intéressons au petit plateau posé entre nous: le "maki Toyota" – un incontournable du Paparazzi, puisque nous ne le contournons jamais. Quatre beaux makis légèrement piquants, nappés d’une sauce un peu relevée, elle aussi. Ils comportent entre autres des morceaux d’avocat… qui vous apaisent un peu le bobo. En attendant la suite, car ce n’est pas fini, je meuble les minutes avec des bouchées de ciabatta, une chaude et savoureuse ciabatta dont j’oublie toujours de demander la provenance. Nos plats de résistance s’amènent: pour mon amie, un grand bol incliné où des ravioli de veau se prélassent dans une sauce foncée aux cèpes (porcini), sauge et vin blanc. Texture légère et goût soutenu. Un peu de parmesan dessus, et vous vous portez absent pour plusieurs longues minutes. J’y ai goûté le premier, par chance; autrement, je me serais contenté du récit qui m’en serait fait. Pour moi? Un poisson blanc qu’on m’a présenté sous le nom anglais de basa – poisson-chat du Mékong (Pangasius bocourti), semble-t-il. Chair délicate, couleur de neige sous sa légère croûte grillée. Un peu floconneuse, elle vous passe sur la langue avec une rare légèreté et y laisse traînasser la saveur du beurre blanc citronné et des pommes vanillées qui l’accompagnent. On voudrait n’avoir rien mangé avant pour pouvoir en demander encore. Je chantonne. En imagination, car la bouche est déjà prise. Par bonté d’âme, je m’autorise une brève visite de courtoisie à la garniture (riz blanc, brocoli, carottes, courgettes et poivron vert), puis reviens à mon poisson, aux tranches de pommes qui ne peuvent s’en passer et à ce dernier morceau de ciabatta qui boude tout seul dans son coin. Mon amie refait surface pour déclarer qu’elle n’en peut plus. J’en dirais autant, mais l’orgueil est le plus fort. L’appétit n’est plus ce qu’il était, la fourchette titube un peu dans l’assiette, mais la fée Gourmandise ne se laisse pas intimider – ce dont je la remercie d’une ultime rasade de mousseux. Nous nous passerons de dessert? Alors, deux coups de fourchette de plus ne tirent pas à conséquence. Quand enfin je déclare forfait, je me permets une flopée de remords. En rigolant.
Restaurant Paparazzi
1363, avenue Maguire
Sillery (Québec)
Téléphone: 418 683-8111
Tables d’hôte: 20,95 à 33,95 $
Menu du jour à partir de 10,95 $
Souper pour deux (incluant taxes et boissons): 104,66 $
Légende /
grande table : 5 étoiles
très bonne table, constante : 4 étoiles
bonne table : 3 étoiles
petite table sympathique : 2 étoiles
correcte mais inégale : 1 étoile