L’enseigne annonce "Sushis et fine cuisine asiatique". Pourtant, le comptoir à sushis, vide et étincelant, fait office de meuble-potiche. C’est que Tina, la propriétaire, a décidé de faire disparaître tous les mets japonais du menu, pour laisser la place aux plats de son coin de pays, le Vietnam, dont elle fait la promotion avec fierté.
Il s’agit de son premier resto. Ouvert depuis cinq mois seulement. Le local est décoré avec soin: tapis rouge, plafond couleur caramel, nappes blanches et papier kraft sur les tables, luminaires de tissu aux murs, éclairage tamisé, bouquets de graminées dans les coins. Tina habite ce lieu public comme s’il s’agissait de sa maison. Elle veille sur tous les convives, s’adresse à chacun d’eux, s’enquiert de leur confort. Le soir de notre passage, elle était attablée avec des membres de sa famille. Au moment d’aller reconduire sa mère vers la sortie, Tina l’a présentée à tous les clients, dévoilant avec fierté l’âge vénérable de cette petite dame pétante de vitalité: 84 ans. On se sent membre du clan. Et on se dit qu’en mangeant ici, on augmentera peut-être notre capital de longévité…
À TABLE!
Le midi, le chef cuisinier s’attache à satisfaire les clients pressés et peu enclins à faire des découvertes en leur offrant des plats convenus (vite faits, vite mangés), à l’instar de la plupart des restaurants vietnamiens de Montréal, comme des soupes tonkinoises au poulet, boeuf ou crevettes, et des brochettes sur riz blanc. C’est le soir qu’il s’éclate en proposant des créations uniques, issues du terroir du Sud du Vietnam, qui mettent en vedette noix de coco, riz, fruits de mer et herbes fraîches.
En entrée, la salade de papaye verte est rafraîchissante avec ses lamelles de basilic et ses fines lanières de boeuf. Les légumes – patate sucrée, poivron vert, courgette – et crevettes tempura ne renouvellent pas le genre, mais ils sont faits correctement et s’enfilent avec appétit.
RITUELS EXOTIQUES
Les suggestions du chef incluent un poisson à l’aneth (du "basa", poisson du Mékong) servi dans une assiette de fonte chaude. La chair, découpée en morceaux de la grosseur d’une cuillère à soupe, est recouverte de bouquets d’aneth. Au préalable, on a pris soin de déposer sur la table une grande assiette contenant les accompagnements: des feuilles fraîches de laitue, de coriandre, de menthe poivrée et de menthe vietnamienne, un bol de vermicelles froids, des bâtonnets de carotte et de navet marinés, un petit contenant d’arachides grillées et une mince galette de riz ondulée (qui rappelle la forme d’un coquillage) et incrustée de graines de sésame noir.
La manière de déguster ce plat nous sera enseignée par Tina, qui n’hésite pas à s’asseoir à notre table pour faire une démonstration: dans une assiette à part, on dépose une petite quantité de chaque ingrédient, on arrose d’un trait de sauce au poisson, puis on déguste et on recommence. Le rituel permet d’allonger le repas (et la soirée).
Une autre curiosité proposée par le chef consiste en une "chaudrée" de fruits de mer qui comprend crevettes, pétoncles et champignons. Jusque-là, rien d’étonnant. La surprise réside dans le mode de cuisson: le mélange est cuit à l’étouffée dans une noix de coco placée au four. La noix chaude, qui sert de soupière, confère au plat un léger goût boisé. La sauce, onctueuse, est légèrement sucrée. On la sert accompagnée d’un bol de riz et d’un petit contenant de sauce hoisin dans lequel on fait trempette avec un morceau de pieuvre pané. C’est surprenant, mais délicieux.
Encore une fois, Tina fournit avec générosité le mode d’emploi: quand le mélange est englouti, on gratte le fond de la noix avec une cuillère pour recueillir la pulpe chaude et moelleuse. On la déguste comme telle, ou mélangée avec un peu de riz. L’expérience est d’un exotisme fou!
DESSERTS
Il faut essayer la spécialité de la maison: une pointe de tarte au riz nappée d’un coulis de coco et tapioca. Ce dessert fin et doux ressemble à un mets d’enfant. Plus classiques et moins surprenants: des sorbets au citron, coco ou mangue, et de la crème glacée au thé vert.
EMBALLANT /
L’accueil chaleureux et le naturel convivial de la patronne.
L’originalité des suggestions du chef.
Les prix abordables.
DÉCEVANT /
Les desserts, hormis la tarte au riz.
L’absence de décor et l’éclairage cru de la salle de bains, qui contrastent étonnamment avec la salle à manger décorée sobrement mais avec soin. Est-il approprié d’y laisser traîner un bac à récurer les planchers?…
COMBIEN? /
Le midi, comptez une vingtaine de dollars pour deux avant taxes et pourboire, et le soir, environ 60 $.
QUAND? /
Tous les jours de la semaine, midi et soir, sauf le lundi.
OÙ? /
La Feuille de menthe
5136, avenue du Parc
Tél.: 514 272-1477