Ma dernière visite ici remonte à quelques années. À notre demande, on nous avait installés sur la terrasse avec, en panorama, la verdure immaculée du parc, ses grands arbres et, plus loin, la rive sud se profilant au-delà d’un pan de fleuve. Ce midi, de l’intérieur, nous n’en avons pas une vue aussi nette. Alors, nous nous intéressons plutôt à notre environnement immédiat, au décor épuré de la salle à manger, à la grande toile de Françoise Sullivan (Cycle crétois) et au flot ininterrompu des clients qui arrivent ou qui s’en vont. Le personnel ne chôme certes pas: ici, du vin; là, une soupe ou une omelette; là encore, un "Panier bio du marché". Sur chaque table trône une bouteille de vin ou de sangria. Renonçant à la sobriété que je m’étais promise pour aujourd’hui, je me suis laissé tenter par une Griffon blonde. Mon amie examine posément la carte tout en sirotant son Beringer (Stone Cellars 2005). À chaque nom de plat, une gorgée… Elle s’arrête, referme la carte: elle a fait son choix. Moi, je m’égare encore parmi les poissons et fruits de mer (huîtres, saumon de l’Atlantique, pavé de flétan), contre-filet de boeuf Angus AAA, pâtes fraîches au bouillon de miso et citronnelle, bisque de crevettes et cappuccino de truffes, pilaf parfumé au jasmin, etc. Un bas de page rend hommage aux "Producteurs d’ici" – Pec Nord, Les Jardins du Button, Les huiles Orphée, etc. -, histoire de vous rappeler que le chef Jean-Pierre Cloutier privilégie autant la qualité que la fraîcheur. Je me décide à opter pour une crème de légumes, et je n’hésite pas trop à me faire une idée de ce qui la suivra. Elle m’est servie peu après, fumante et orangée, crémeuse comme je la souhaitais, et semée de ciboulette ciselée. Elle révèle au goût une toute petite pointe d’amertume, non désagréable, dont je n’arrive pas à identifier l’origine. Aromate, navet ou autre, peu importe. En buvant une gorgée d’eau, je déplore qu’elle soit servie si froide, dans des verres encombrés de glaçons. Déplaisante habitude dont certains restaurateurs ont encore du mal à se défaire!… Mon amie a choisi une salade – feuilles tendres escortées de délicates quenelles de canard confit et mouillées d’une vinaigrette dont le goût subtil n’en est pas moins long en bouche. Un deuxième verre de Beringer est tout justifié pour accueillir l’"Assiette gourmande selon l’inspiration de la saison" qu’un peu plus tard, je vois se poser en douceur de l’autre côté de la table. Je la fixe longuement et finis par y goûter, cela va de soi. Il y a là des saucisses italiennes, savoureuses et piquantes; une purée de pommes de terre aux fines herbes; une délicieuse salade de papaye et mangues (mais ces dernières auraient gagné à mûrir encore un jour ou deux). Il est temps que je fasse connaissance avec ma propre assiette. Elle a pour garniture une petite salade égayée de tomates cerises, un topinambour grillé, une longue carotte croquante – et des tranches d’agrumes que je refile subrepticement à mon amie. Au centre de l’assiette, des ris d’agneau moelleux, nombreux – et encore un peu chauds, bien que j’aie tardé à m’y intéresser. Au lieu de la "gastrique aux fruits des champs" qui devait les accompagner, j’ai préféré du beurre fondu. Le pain et les légumes aidant, l’appétit fait son oeuvre jusqu’à la dernière bouchée, c’est-à-dire celle qu’on juge de trop une fois qu’elle a disparu. Il connaît un regain de vigueur au moment du café, qui est aussi celui de la petite assiettée poudrée de chocolat où se côtoient quelques trésors de gourmandise: crème brûlée à la vanille, tartelette aux fraises, "lame" de chocolat blanc et mousse de chocolat dans un balluchon de chocolat noir. Une fois certains qu’il ne reste plus rien, nous jurons que nous ne pouvons plus rien avaler.
Restaurant du musée
Musée national des beaux-arts du Québec
Parc des Champs-de-Bataille
Québec (Québec)
Téléphone: 418 644-6780
Table d’hôte: 13 à 20 $
Dîner pour deux (incluant boissons et taxes): 54,71 $
Légende /
grande table : 5 étoiles
très bonne table, constante : 4 étoiles
bonne table : 3 étoiles
petite table sympathique : 2 étoiles
correcte mais inégale : 1 étoile