Restos / Bars

Le Tartuffe : L'âme sur la glace

Le Tartuffe célébrera bientôt ses 18 ans. Que de souvenirs lumineux émaillent ce passage du temps. Aujourd’hui, la réalité nous rattrape un peu…

Il y a des jours où l’envie de sortir de la maison se fait tiède. C’est alors qu’on cherche la table qui nous ravivera les papilles. En optant pour le Tartuffe, c’est ce réconfort sûr que j’allais chercher. Mais j’en suis revenue l’âme un peu frissonnante.

On aime toujours autant la jolie maison de briques de la rue Notre-Dame-de-l’Île, à quelques pas du Musée des civilisations. Le décor est classique: teintes sobres, ameublement élégant. L’accueil se fait attendre. On croit comprendre quand on nous assigne la dernière table disponible, mais en entrant, on constate que la salle n’est qu’à moitié occupée; le défi sera de taille quand elle se remplira.

L’ensemble du service, bien que sympathique, est approximatif: des oublis, une certaine lenteur au démarrage, quelques épisodes d’une familiarité qui ne cadre pas avec le lieu. Deux fois plutôt qu’une, la même serveuse s’adressera à nous en anglais et n’aura jamais un mot d’excuse pour sa méprise…

Côté cuisine, notre verdict sera tout aussi frileux. Les plats proposés sont intéressants, mais leur exécution n’a rien de mémorable. Le potage Mulligatawny, d’inspiration indienne, est goûteux et réconfortant. Le mesclun, vinaigrette aux tomates séchées, aurait obtenu la note de passage, n’eût été des petites tranches de concombre et du quartier de tomate qui "décorent" l’assiette.

Je me laisse tenter par les huîtres de Malpèque gratinées au fromage Oka. Les bivalves sont déclinés de quatre façons: poireaux, champignons, épinards et tomates. L’ensemble est satisfaisant, mais sans plus. Même constat pour la poêlée de pétoncles des Grands Bancs et crevettes tigrées. La cuisson est impeccable, mais la présentation, sur une purée de courge d’hiver et un bouillon au gingembre et cerfeuil, laisse perplexe: la purée se dilue dans le bouillon et on se retrouve vite avec une soupe au fond du bol. Si c’était là le but, on se questionne sur sa pertinence.

Une ballottine de caille du Cap-Saint-Ignace farcie de sanglier et caribou, sauce porto et romarin, rattrape un peu les choses par sa finesse. Le filet de boeuf grillé aux shiitakes et coeur de quenouille, sauce bordelaise, est tendre à souhait, malgré une cuisson qui s’est étirée au-delà du saignant. En accompagnement, les deux assiettes sont garnies des mêmes légumes: courge spaghetti, petites carottes, haricots verts, ratatouille et une déclinaison du gratin dauphinois avec pommes de terre et patates douces.

Repus, nous délaissons le dessert, mais non sans une pointe de chagrin: la crème brûlée aux framboises et la tarte pacanes-chocolat sont deux merveilles de la maison qu’on a souvent goûtées avec bonheur.

On recommandera toujours l’établissement aux dîneurs qui veulent une valeur sûre, à prix raisonnable: 80 $ pour deux, avant vin, taxes et pourboire. Mais on se désole de ne pas avoir retrouvé ici l’âme d’une cuisine irréprochable qui nous a jadis tant réjouis.

Le Tartuffe
133, rue Notre-Dame-de-l’Île
Gatineau
819 776-6424