Restos / Bars

Flagrant Délice : Thérapie par la bouffe

Flagrant Délice devrait prendre pour devise ce dicton bien connu: "Il n’y a pas de mal à se faire du bien."

C’est un de ces soirs éclatants de neige fraîche où l’on ronchonne, pourtant, à cause du froid, des rues encombrées et des espaces de stationnement presque inexistants… Une fois à l’intérieur du restaurant, je grelotte encore un peu. Par sympathie pour tous les homéopathes du globe, je commande une Boris bien froide. Mon amie se fait servir un verre de vin rouge maison (Bottero) et nous nous offrons à mi-voix une lecture de la carte – en l’occurrence le tableau noir qu’on a déjà placé près de nous. La bavette à l’échalote, la trempette française, la pizza à la niçoise et le duo de la mer à l’aneth font partie des classiques de la maison. Salade romaine aux crevettes, boudin aux pommes et calvados, confit de canard et ravioli arrabbiata sont du nombre des nouveaux venus, des intérimaires et des récurrents. Reste l’autre carte, ce napperon plastifié proposant foie de veau de lait, pâté au poulet, bavette de veau et autres – sans parler des grillades que je crois avoir déjà toutes "essayées", notamment la côtelette d’agneau et le mignon de porc farci aux champignons. Mon amie se balade du "Côté jardin" (salades et toutim), tandis que je m’attarde à la rubrique "Délit du mois" qui m’apparaît plus "soutenante" avec son couscous Royal, son osso buco et sa paëlla de Valence… Mais nos choix, finalement, se portent ailleurs.

Le temps de commenter les trois sapins nains dressés sur le rebord de la fenêtre encadrée de petites ampoules colorées, de sourire au père Noël chargé d’un sac de cannes-bonbons, nos premiers plats s’amènent. Pour un peu, il serait trop salé, ce potage Crécy; il n’en demeure pas moins savoureux. Après une ou deux bouchées, mon amie y promène un peu sa cuiller pour délayer la petite "décoration" (crème sure et fines herbes) qui flotte au milieu de l’assiette. Et elle accepte sans hésiter le supplément de poivre que lui propose la serveuse. J’ai plutôt opté pour le saumon fumé – fines tranches ni trop fumées ni trop salées, posées sur une salade semée d’herbes et bien huilée. Une moitié de tomate cerise occupe chaque coin de l’assiette. Celle-ci vidée, je n’ai plus qu’à attendre mon rosbif au jus, les yeux allant d’une table à l’autre, mais sans réelle curiosité pour ce que mangent les autres clients. J’anticipe plutôt… et suis bientôt servi. Les légumes grillés abondent: courgettes, champignons, carottes et poivrons sont les premiers qui me tombent sous la fourchette. Je m’attaque ensuite aux frites maison, croustillantes et dorées, puis reviens aux légumes. Bien sûr que je tourne autour de la viande et me fais languir. Et, soudain, c’est l’estocade. Je salive avant même que la première bouchée franchisse mes lèvres. Mes papilles applaudissent à tout rompre et le jus de la viande se rue partout. La saveur est franche, soutenue, durable, et les dents n’ont pas vraiment à se forcer. Mais non, je ne gémis pas. Tout de même!… J’ai tendance à oublier la sauce qui m’est servie à part (à ma demande), car j’ai fort à faire. J’avais donc faim à ce point-là?

Son deuxième verre de vin bien entamé, ma compagne poursuit sa petite chasse aux trésors, découvrant tour à tour ou simultanément le thon, les anchois et les tomates de sa niçoise. "Ah, c’est ça!" fait-elle en tombant sur un petit artichaut. Je m’empresse de partager avec elle le fruit de son labeur. J’ai même droit à deux ou trois autres bouchées à titre de boni. Croûte mince et ingrédients de qualité font de cette pizza une réussite du genre. L’assaisonnement ne souffre ni de manque ni d’excès; le goût bien présent de la sauce tomate ne révèle ni amertume ni acidité.

Si bien partis, nous trouvons un peu triste de tout arrêter une fois nos assiettes reparties. Il ne manque pas de prétextes pour prolonger un peu la soirée. La jeune serveuse, qui connaît la carte comme si elle l’avait conçue, nous en fournit donc quelques-uns… bien sucrés. Nous buvons littéralement ses descriptions et nous décidons enfin pour une "Marjolaine": crème au beurre, biscuit aux noix de Grenoble, enrobage de chocolat… Imaginez cette tranche servie dans une petite assiette passementée de coulis de framboises… Et deux fourchettes qui se livrent une concurrence pas toujours loyale… "Il faut y goûter au moins une fois dans sa vie!" déclare mon amie dans un souffle – avec un peu de tristesse dans la voix, car je viens de lui chiper la dernière miette.

Flagrant Délice
1631, rue Sheppard
Sillery
Téléphone: 418 683-7077
Menu du jour à partir de 11,95 $
Table d’hôte: 16,95 à 24,95 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 59,43 $

Légende /
grande table : 5 étoiles
très bonne table, constante : 4 étoiles
bonne table : 3 étoiles
petite table sympathique : 2 étoiles
correcte mais inégale : 1 étoile