L’essentiel du menu ne ferait peut-être pas de Mafalda une inconditionnelle de la soupe, mais saurait au moins la distraire pendant quelques minutes de sa principale aversion. Un peu plus originale que l’idée elle-même, l’appellation "bar à soupes" a le mérite d’annoncer tout de suite la couleur. Vous vous rendrez donc à ce resto après avoir relégué aux oubliettes (provisoires) vos envies de steak-frites ou de rosbif. Mais n’en faites pas un drame: vous n’y perdez pas au change. J’en parle en connaissance de cause, prenant à témoin le scepticisme dont je n’ai pu me libérer qu’après deux ou trois bouchées de minestrone… Affamé, guetté par l’hypoglycémie, l’appétit malgré tout capricieux, j’avais rapidement exploré les lieux du regard: comptoirs bien éclairés, desserts en vue, un sandwich, canettes et bouteilles de jus, petits pains, grands chaudrons prêts à libérer leurs parfums sitôt leur couvercle soulevé. Mon amie était déjà prête à commander; l’une des préposées me fixait d’un air à la fois interrogateur et patient. Sur les murs, des tableaux noirs détaillaient sobrement quelques-unes des spécialités, dont le potage Crécy aux agrumes et la chaudrée de crabe et maïs. Mon amie se fit servir, dans une tasse, ce que je m’apprêtais à choisir, en l’occurrence les "Noces à l’italienne". Je me rabattis sur le chaudron le plus proche: "Minestrone gourmande" (sic) – en me retenant de signaler à l’employée que minestrone est du genre masculin. Nos plateaux à la main, nous gagnons tout au fond, mon amie et moi, un salon de dimensions moyennes qui prolonge en quelque sorte la salle à manger. Nous avions droit chacun à un petit pain et l’avons tous deux préféré au parmesan. C’est la première chose à laquelle j’ai goûté. Mais l’homme ne se nourrit pas seulement de pain et j’ai tout un bol à affronter. Il m’effraie un peu, à vrai dire, avec tous ces morceaux de carottes, ces nouilles, haricots rouges, courgettes, tomates, poivrons rouges et verts, céleri et champignons. On vire végé pour moins que ça, vous savez!… À la première bouchée, je me sens froncer les sourcils; à la deuxième, je me dis qu’il y manque un peu de sel et fais ce qu’il faut. À la troisième, j’avoue que c’est bon, au grand soulagement de ma compagne qui attendait mes commentaires avec autant d’inquiétude que si elle avait elle-même cuisiné ce midi. Les légumes n’ont subi aucun traumatisme: cuits, mais encore croquants, ils gardent leur goût naturel (à l’exception des haricots qui, à tort ou à raison, évoquent pour moi la boîte de conserve). Qu’en est-il des "Noces à l’italienne"? Cette soupe étoilée d’orzo a la couleur des épinards qui la composent et se révèle délicieuse – une fois rectifié son léger déficit de sel. Elle est aussi garnie de petites boulettes de porc, en plus du persil, du parmesan et du bacon qu’on vous y ajoute à la demande. "C’est bien celle-là que je voulais…" Réflexion muette, bien sûr. À la table voisine, un couple mange en silence. Le regard de la dame croise le mien et nous nous sourions furtivement. Celui qui lui fait face se retourne et me salue par mon nom… Un ami que je n’avais pas vu depuis des lustres et que je n’ai presque pas reconnu! De fil en aiguille, nous en venons à comparer nos impressions, assez semblables dans l’ensemble: cuisine santé, d’allure maison, prix abordable, etc. Ma faim n’étant pas totalement apaisée, je me présente de nouveau au comptoir pour me faire expliquer les autres… possibilités: chili con carne (le mijoté de la semaine), feuilleté aux fruits de mer, sandwiches. J’apprends en même temps qu’un plat particulier a la vedette chaque jour de la semaine: le potage Parmentier du lundi, la jambalaya du mardi, la bisque de homard du mercredi… Pour l’instant, que vais-je prendre? Ce n’est évidemment pas le moment de lorgner du côté des petits déjeuners – pain aux bananes et noix, bagels, brioches, croissants, chocolatine et smoothies… Restent les desserts. Le temps que je me décide, mon amie s’amène, se fait servir une tranche de gâteau aux amandes et regagne sa place. Je la rejoins, lesté d’une pointe de tarte aux pommes… honnête. Deux cafés plus tard, nous voilà sur le chemin du retour – pas déçus.
Bol et Gobelet
355, rue de la Couronne
Québec (Québec)
Téléphone: 418 522-5882
À la carte: 2,75 à 6,95 $
Dîner pour deux (incluant boissons et taxes): 14,25 $
Légende /
grande table : 5 étoiles
très bonne table, constante : 4 étoiles
bonne table : 3 étoiles
petite table sympathique : 2 étoiles
correcte mais inégale : 1 étoile