Restos / Bars

Antoine : Magie blanche

Dans la grisaille de la rue Wellington, un petit établissement émerge dans toute sa blancheur et sa luminosité nacrée: Antoine, du prénom du chef-proprio Antoine Richard. Tout simplement.

En mai 2003, Antoine Richard inaugurait La P’tite Table, son premier resto. C’était à Verdun. À peine un an plus tard, la chance frappait à sa porte, personnifiée par un acheteur. L’offre était assez alléchante pour qu’Antoine accepte de se départir de son établissement. Et comme une chance n’arrive jamais seule, cet événement coïncidait avec la naissance d’un enfant.

Cette manne inattendue lui a donc permis de prendre une année "sabbatique" durant laquelle il en a profité pour élever son enfant, publier un livre de recettes (Je cuisine pour faire plaisir, éditions Communiplex) et démarrer un service de traiteur. Après trois ans de ce régime, Antoine est revenu jouer dans le trafic "pour reprendre contact avec la clientèle", affirme-t-il. Il a de nouveau choisi Verdun, quartier où il vit et travaille, pour ouvrir son deuxième resto. L’inauguration a eu lieu il y a trois mois. Bienvenue chez Antoine.

À TABLE!

La blancheur immaculée des lieux surprend agréablement. Murs, nappes et luminaires-boules, que viennent ponctuer de brun chocolat le plancher et les chaises. La salle à manger est précédée d’un vestibule qui est en fait une micro-boutique où l’on peut se procurer vaisselle, livres, produits fins et mets emballés sous vide. Une expo de photos noir et blanc dépeint des scènes de Verdun dans les années 30. Le plafond de métal martelé gris acier, refait à neuf, nous rappelle l’époque vénérable du building, 1925.

Dans les assiettes, par contre, rien de nostalgique. Le chef s’appuie sur des bases solides de cuisine bistro actuelle, qu’il détourne à coups de petites touches d’originalité et de créativité, pour nous offrir une belle démonstration de bistronomie (contraction des mots bistro et gastronomie), ce concept qui allie convivialité, grande cuisine et petits prix.

Un exemple? Le cromesqui de moelle, os farci au foie gras. Dans un bistro-bistro, l’os rempli de moelle serait déposé au centre d’une assiette. Point à la ligne. Chez Antoine, nous avons droit à un trio disposé dans une grande assiette rectangulaire: à gauche, un cromesqui de moelle (un genre de croquette) est déposé sur une moitié d’os servant d’écrin; à droite, un mini-os est rempli d’un mélange divin de moelle et de foie gras; les deux sont reliés au centre par un nid de cresson touillé avec une huile d’olive fine. Autre exemple, des pétoncles poêlés à la cuisson parfaite, qu’accompagne une salade de céleri-rave arrosée d’huile de truffe. On vous laisse deviner que le tout, réalisé avec doigté, rendait les convives heureux. Voilà pour les entrées.

Du côté des plats, deux choix ont retenu notre attention: le porc en trois déclinaisons et la volaille. Accompagné de choucroute aux lardons, le porc trois façons se traduisait par un morceau de filet cuisson rosée, un haut de côte laqué au sirop d’érable et une petite pièce de jarret braisée. L’idée de présenter la même sorte de viande sous trois angles différents est séduisante. Et dans ce cas-ci, le plat était plutôt réussi autant sur le plan de la cuisson que de l’harmonie des saveurs.

La poitrine de volaille aurait pu décevoir parce que tellement familière. Mais non! Celle-ci était farcie de prosciutto et coiffée d’un salpicon de tomates séchées et d’olives noires, qui donnait du panache à l’ensemble. Des petits tronçons de coeurs de palmier et de grelots complétaient le plat.

"Je voulais créer un lieu de destination et non de passage", explique Antoine à propos de son nouveau resto. Pari réussi: après un premier repas, on n’a que le goût d’y revenir.

PETITES DOUCEURS

Curiosité au menu: la poutine d’ananas! Les fruits caramélisés sont taillés en forme de frites et les crottes de fromage sont remplacées par des touches de mascarpone. La ressemblance visuelle avec la poutine d’origine est à s’y méprendre. Un peu acide à la longue, par contre. Belle surprise du côté de la crème caramel, qui sort des sentiers battus grâce à son parfum d’amande amère.

EMBALLANT /

Le mirobolant rapport qualité/prix.

L’arrivée d’un nouveau venu de qualité dans Verdun, qui vient de nous fournir une bonne raison de s’arrêter sur la rue Wellington.

DÉCEVANT /

Rien de majeur, mais comme il faut remplir la rubrique, allons-y: les plats auraient eu intérêt à être un tantinet plus chauds.

L’absence de seaux à glace oblige le serveur à aller porter les bouteilles de vin blanc au frigo. Quand il est occupé ailleurs et que les verres sont vides, ça brise le rythme du repas.

COMBIEN? /

60 $ pour deux, avant vin, service et taxes.

Menu dégustation de six services: 45 $.

Menu dégustation mets et vins: 79 $.

QUAND? /

Le midi, du mardi au vendredi, et le soir, du mercredi au samedi.

OÙ? /

Antoine
5013, rue Wellington à Verdun
Tél.: 514 303-6642