Restos / Bars

Alcools : D'une jeunesse épatante

La semaine dernière, je vous faisais part des différentes bouteilles que nous pouvons garder en cave. Cette chronique répondait aux nombreux courriels de lecteurs intrigués par la longévité de leurs fétiches produits allongés dans leur réserve personnelle. Eh bien, je reviens à la charge et j’imagine en surprendre plus d’un en affirmant que, selon moi, les blancs vieillissent probablement beaucoup mieux que les rouges…

Ce matin, en faisant du ménage dans ma cave à vin, j’ai mis la main sur un beaujolais blanc du millésime 1987, du Domaine de l’Éclair d’Antoine Clément (2 % seulement des beaujolais sont blancs). Au moment de vider la bouteille dans le lavabo, j’ai eu l’idée fortuite de m’en servir un verre. Je vous entends rire d’ici, un beaujolais de 21 ans! Surprise! Eh oui, je peux vous assurer que ce dernier n’avait rien à voir avec ces piètres et chétifs beaujolais nouveaux qui nous sont livrés depuis quelques années (de toute façon, ce sont des rouges issus de gamay, et le beaujolais blanc est fait du cépage chardonnay). Il possédait un nez ouvert et expressif, jonglant entre le beurre et la noisette, la bouche étant expansive, grasse et texturée. J’en fus complètement déstabilisé. Je me suis donc précipité pour faire déguster à l’aveuglette ce stupéfiant produit à mes collègues sommeliers ainsi qu’à quelques conseillers de la SAQ: les éloges sur sa texture et son bouquet sont tombés de toutes parts, nul n’est resté indifférent. Il avait gardé son éclat, son fruit, son acidité et, selon moi, il était nettement meilleur qu’en jeunesse. Ce fut une véritable révélation.

Mon ami le sommelier émérite François Chartier m’a confié avoir dégusté un vin en appellation St-Péray (dans le Rhône) de plus de 150 ans! Il s’agit d’un vin blanc sec issu des cépages roussanne et marsanne. Le produit était selon lui splendide, sans faille. Philippe Faure-Brac, qui fut meilleur sommelier du monde en 1992, nous informe, dans son livre intitulé Les Grands Vins du siècle, qu’il s’est fait servir à l’aveugle un sauternes célèbre, un Château d’Yquem, mais de la récolte 1899! Voici ses commentaires de dégustation: "Dommage, encore un peu jeune pour être bu…"

Je ne vous propose pas de garder un torrontes argentin ou un chardonnay australien pendant des décennies à l’horizontale, mais selon plusieurs experts en matière de vin, un blanc gardé dans un endroit adéquat et qui est muni d’une bonne acidité peut vous révéler de bien belles surprises.

LE VIN DE LA SEMAINE

Nous irons faire un tour en Europe de l’Est pour le coup de coeur hebdomadaire. Il s’agit d’un vin rouge issu d’une variété locale appelée kékfrancos, un cépage typiquement hongrois. Une trouvaille élaborée par les comtes Hunyady de Kéthely dans le millésime 2004 à 18,35 $ (10791379). Sa couleur est peu profonde. Avec de l’aération, le nez nous libère de délicates émanations mentholées ainsi que des effluves de réglisse noire. Au gustatif, rien n’accroche, les tanins sont fort bien tissés mais glissants. À servir à 15-16 degrés sur une longe de porc rosée flanquée de légumes racines.