Restos / Bars

Laurie Raphaël : Québec-Montréal 2

Très attendue, la version montréalaise du célèbre Laurie Raphaël de Québec a ouvert ses portes en plein coeur du centre-ville de Montréal. Pour le populaire chef Daniel Vézina, il était tout naturel de s’installer dans un autre grand succès de la Vieille Capitale, l’hôtel Le Germain. La cuisine nous a cependant laissé perplexe.

Outre sa renommée culinaire, Daniel Vézina amène avec lui les richesses du terroir québécois. Au fil des années, il a noué d’excellentes relations avec des dizaines de producteurs et tient maintenant à nous faire découvrir des produits locaux de grande qualité. Et pour parfaire ce resto 100 % Québec, il a fait appel à l’incontournable designer Jean-Pierre Viau, qui a créé sur la mezzanine de l’hôtel Le Germain un resto de style très contemporain, mariage de bois clairs et foncés, de fausses fourrures et de lignes japonisantes. Même les pièces de vaisselle sont signées par des artisans locaux. Un bel effort.

Côté cuisine, le chef a confié ses fourneaux à Cynthia Moreau, une ancienne de l’Auberge Hatley, et a mis sur pied un concept pas tout à fait original, une dégustation autour de plats au format entrées, à la manière des tapas. Selon votre appétit, il vous faudra donc deux ou trois de ces assiettes pour constituer un véritable repas. Plus le dessert. Une façon de multiplier les découvertes gastronomiques, et par la bande, de se faire une bonne idée du style Vézina.

PETITS PLATS

Tout resto aux prétentions véritablement gastronomiques offre d’abord une mise en bouche. Ce petit détail a toute son importance. Son côté aguichant lance les festivités et montre de quel bois se chauffe le chef. Ce soir, c’est une simple tapenade d’olives vertes beaucoup trop salée, ce qui nous induit en méfiance. Les choix de pains maison (mini-baguette, olives, tomates séchées…) ne remplissent pas non plus cette mission séduction: trop mollassons.

La carte est orientée produits. D’un côté, ceux de la mer, froids ou chauds: pétoncles, oursin, saumon, caviar d’Abitibi, huîtres, moules et homard. De l’autre, ceux de la terre: veau, émeu, lapin, caille, ris de veau, canard et, bien sûr, foie gras. Et pour encore diviser le plaisir, place aux déclinaisons, duo, trio, quatuor, comme dans le cas de ces pétoncles en quatre états (juste saisis, en maki, en carpaccio et en tartare). Un seul thème, cependant: la clémentine. Le maki: le rouleau est trop lâche et le riz, abondant. En carpaccio, comme en tartare, les arômes de l’agrume écrasent le délicat parfum maritime du pétoncle. Le pétoncle juste saisi avec une écume de clémentine, lui, n’était pas de la première fraîcheur. Et ne faites pas comme nous! Si vous avez des soupçons, n’hésitez pas à en parler à votre serveur.

Plus osé, et pourtant peu convaincant, le tartare de veau de lait, à la chair très douce (trop douce?), est servi dans un mariage intrigant: sauce aux huîtres et bourgots. Entre Charlevoix et Gaspésie. Très intéressant mais fade. L’espuma à la hollandaise manque de relevé. Même mésaventure avec l’attirante "lasagne de confit de canard au foie gras, son jus au porto et agrumes". Escalope de foie gras poêlée, couche de pâte à lasagne verte et confit de canard effiloché s’empilent dans une cassolette. Problème: le bouillon trop abondant a noyé les notes de porto ou d’agrume. Résultat: encore une fois, une saveur monolithique peu excitante.

Dans la quatrième assiette (c’est la dernière), on découvre un beau filet de morue d’Islande agrémenté de fines tranches de rosette de Lyon grillées, d’un simplet coulis de poivrons jaunes et d’une pomme de terre ratte à la moutarde de Meaux en rondelles, et surmonté de quelconques jeunes pousses. C’est bien fait, bien cuit, bien exécuté. Mais étonnamment, les saveurs semblent se frôler, sans jamais véritablement se rencontrer. Cela manque de surprise, de caractère!

DOUCEURS

Attention! C’est tout un choc. Le chef pâtissier Rémy Couture signe ici de très beaux desserts, à la limite de la perfection. Vous voudrez "mourir de chocolat" avec cette trilogie de cacao déclinant un fondant, de la mousse et du sorbet. C’est intense, profond. Superbe, le cannelé rend hommage à la spécialité bordelaise. Croustillant à l’extérieur, moelleux à l’intérieur, il est accompagné d’une crème glacée au rhum et raisins et surmonté d’écume vanillée. Encore!

EMBALLANT /

Un véritable effort pour mettre en valeur les gourmands produits québécois. Des desserts inoubliables. Un service impeccable.

DÉCEVANT /

Vous l’avez compris: la cuisine du Laurie Raphaël peine à rendre justice à la qualité des produits. Peut-être par un abus de froideur, de trop vouloir décomposer. Un peu de chaleur, quelques épices, des fines herbes, et tout irait sûrement mieux.

COMBIEN? /

Si vous suivez les recommandations du personnel, trois assiettes format entrée et un dessert, ne comptez pas vous en tirer à moins de 60 $ par personne. Préparez aussi 40 $ minimum pour une bouteille de vin.

QUAND? /

Midis: du lundi au vendredi, de 11 h 30 à 14 h. Soirs: tous les jours, de 18 h à 22 h 30.

OÙ? /

Laurie Raphaël
Au chic hôtel-boutique Le Germain
2050, rue Mansfield à Montréal
Réservation hautement recommandée: 514 985-6072
Info.: www.laurieraphael.com; www.hotelgermain.com