Dans les années 80, j’ai travaillé pour un magazine urbain dont les bureaux étaient dans le quartier. À l’occasion, nous allions luncher au buffet chinois du Ruby Foo’s, situé juste en face de l’Orange Julep. C’était notre sortie kitsch. Les spare ribs ultra-sucrés et le poulet à l’ananas à la sauce fluo nous réjouissaient: ils nous rappelaient notre enfance, quand nos parents nous emmenaient au restaurant "manger du chinois" dans les années 70. Nostalgie, quand tu nous tiens!
Aujourd’hui, le buffet chinois de l’époque a été démoli et remplacé par un très beau restaurant de classe internationale, au décor élégant et à la cuisine actualisée. Ouvert depuis trois mois seulement (dans l’espace qu’occupait la Tulipe Noire), le Mahjongg porte la signature d’un trio de femmes qui, à elles trois, racontent un pan de l’histoire de la gastronomie chinoise et, du coup, nous font voyager dans le temps.
TROIS FEMMES, TROIS ÉPOQUES
Il y a d’abord madame Ruby Foo qui, en 1929, ouvrait un premier resto à Boston, puis plusieurs autres dans une série de villes nord-américaines dont Montréal faisait partie. C’est ainsi que le Ruby Foo’s nous a fait connaître les plats cuisinés par les immigrants chinois et popularisés durant les années 40 à 70. Ensuite, il y a madame Hazel Mah, l’actuelle restauratrice qui propose une cuisine chinoise d’aujourd’hui, mise au goût du jour à coups de produits frais et d’harmonies raffinées. Puis il y a la mère d’Hazel, surnommée Fleur précieuse Chang, qui, en tant qu’épouse d’un dirigeant chinois, lui a légué ses recettes issues de fêtes organisées dans l’intimité des résidences gouvernementales durant les années 40. Le menu reflète ces trois jalons historiques.
À TABLE!
Pour aller à la rencontre de ces trois femmes, nous avons choisi un plat échantillon représentatif de chaque époque. Pour la période Ruby Foo, l’assiette Pu Pu s’est imposée. Celle-ci comprend un assortiment de petites côtes levées à l’ail – identiques aux originales -, de crevettes panées, de won-tons croustillants et de tronçons de rouleaux impériaux. Ces bouchées sont accompagnées d’un trio de sauces maison qui jouent à fond la carte du sucré-salé: orange-pamplemousse, fraise-citron, prune amère. Mais attention: nous sommes ici en présence de panures légères et croustillantes et de sauces délicates réalisées avec de vrais fruits (rien à voir avec les sauces lève-coeur et les panures épaisses et grasses qui ont peut-être marqué votre enfance).
Pour l’époque représentée par madame Mah, le plat élu a été un poulet Tang An, un émincé de poitrine de poulet sauté au wok avec des lamelles de gingembre frais et de poivron rouge et vert, le tout bien nappé d’une sauce amidonnée et très piquante. Un bel exemple de cuisine sichuanaise à l’image de ce que l’on retrouve dans les grands restaurants chinois du centre-ville.
Nous avons ensuite fait connaissance avec Fleur précieuse Chang par l’entremise de son mystérieux plat de canard au café des Philippines. Les tronçons de viande de volaille étaient panés et servis avec une petite assiette de sauce au café qui donne une profondeur exquise au mets. Bémol: dans les deux cas, les plats auraient mérité d’être plus chauds.
Si l’on veut compléter avec du riz et des légumes, on doit les prendre en supplément, ce qui fait augmenter évidemment l’addition. Nous avons opté pour des aubergines à l’ail, moelleuses à souhait et cuites avec de l’oignon et du poivron rouge et vert. Les portions, sans être abondantes, étaient tout à fait correctes.
PETITES DOUCEURS
Pour les desserts, oubliez la Chine. La carte flirte avec l’Italie et l’Amérique du Nord en offrant biscotti, panna cotta et tiramisu, ou encore Key lime pie, brownies et d’extravagants gâteaux riches et crémeux faits maison au café de l’hôtel, le dLux. Notre gourmandise a commandé le gâteau noisette et la torte à l’orange, une orgie de crème et de sucre… que nous n’avons pu terminer. Too much. Les sobres biscuits de fortune auraient suffi.
EMBALLANT /
L’assortiment de feuilles de thé importées de Chine.
Le décor, élégant et feutré.
La petite histoire qui entoure certains plats, qui donne une dimension intéressante au menu et nous permet de manger moins idiot.
DÉCEVANT /
Les plats principaux n’étaient pas assez chauds, au point qu’une pellicule s’était formée sur le dessus de la sauce au café qui accompagnait le canard.
Le service inégal, parfois poussif, parfois expéditif.
COMBIEN? /
Table d’hôte du midi: de 12,50 $ à 16,50 $. Le soir, comptez environ 60 $ pour deux, avant boissons, taxes et service, pour une entrée, un plat, un bol de riz, une assiette de légumes et un dessert. Brunch du dimanche: 25,95 $ par personne.
QUAND? /
7 jours sur 7, midi et soir. Brunch le dimanche, de 11 h à 14 h.
OÙ? /
Hôtel Ruby Foo’s
7655, boulevard Décarie
Tél.: 514 735-8868
Info: www.bistromahjongg.ca