Restos / Bars

Le Charbon : Magie rouge

Le Charbon: un steakhouse haut de gamme enrichi d’une magnifique carte des vins.

La viande, c’est quelque chose de magique. La rouge, bien entendu, en raison de toutes les vertus qu’on lui reconnaît et de toutes celles qu’on lui prête parfois. Ainsi, ce midi, on dirait qu’elle euphorise la grande salle à manger bondée. À l’étage, des dîneurs que nous ne voyons pas chantent en choeur. Sur l’air de L’Amérique, ils chantent à l’un ou à l’une des leurs: "La retraite, la retraite, tu veux l’avoir et tu l’auras…" À toutes les tables du rez-de-chaussée, les gens se parlent en souriant et certains dodelinent même la tête en cadence, peut-être sans s’en rendre compte. Une occasion spéciale, direz-vous? Le fait est que je n’ai jamais vu un visage triste devant un steak en bonne santé. Sauf quand, l’appétit éreinté, on est contraint d’en laisser une bonne partie dans son assiette. "Cela ne m’arrivera pas aujourd’hui", me suis-je dit en commandant mon émincé de filet mignon. Au départ, je souhaitais ne pas prendre d’entrée. C’était avant de consulter la carte. Mais le feuilleté de moules au safran et basilic, la crème de brocoli au gorgonzola et le carpaccio de boeuf fumé m’avaient plongé dans un abîme… euh, disons… dans un creuset de réflexions. Alors que mon amie sirotait son verre de merlot-cabernet (vin du pays d’Oc, 2006), je lorgnais en direction des clients les plus proches, tentant de deviner ce que l’un ou l’autre avait choisi. J’ai vu des salades empanachées ou discrètes, des assiettes de saucisses, de la truite. J’ai deviné des pâtes aux fruits de mer (crevettes et pétoncles, disait la carte), des tartares… mais pas le gigot d’agneau rôti au romarin et ail confit, sauce au vin rouge… Je me suis demandé à voix basse de quoi pouvait avoir l’air le lingot de thon grillé, l’accord de filet de veau et crevettes, le boston d’agneau grillé au vinaigre de framboise, la coupe New York… "Décide-toi au lieu de fantasmer", a murmuré mon amie en posant sa main sur la mienne. Je ne fantasmais pas, je réfléchissais. Je me suis discrètement épongé le coin des lèvres avec ma serviette, puis, aidé d’une gorgée d’eau minérale (Voss), j’ai avalé quelques bonnes odeurs de grillades qui s’étaient fourvoyées jusqu’à moi. J’étais prêt. Nos entrées se sont amenées avec la promptitude que nous souhaitions. Pour mon vis-à-vis, la crème de brocoli au gorgonzola onctueuse, chaude, bien assaisonnée, bien qu’un peu salée. Peut-être aurait-on dû y mettre moins de gorgonzola. J’ai moi-même droit au carpaccio de boeuf fumé surmonté d’un pompon de céleri rémoulade. Bonne salade, bonne viande, belle alliance de goûts soulignée d’un trait de vinaigre balsamique caramélisé. En attendant la suite, j’ai demandé à voir (et à emporter) la petite carte détaillant ce qu’on peut acheter ici même pour le faire cuire à la maison: côte de boeuf, pétoncles, brochettes de contre-filet… Je n’en ferai pas provision ce midi, mais certainement bientôt. Ah, nos nouvelles assiettes! Dans la rubrique consacrée aux classiques de la maison, mon amie avait repéré "Le haché du Charbon" et l’avait commandé sans hésiter. Ce plat est constitué d’une imposante "galette" de viande cuite sans… traumatisme. Je veux dire qu’on ne trouve dans aucune bouchée ces petits bouts de nerfs, raidis par la chaleur, qui vous gâchent les meilleures bouchées. Frites et mayo maison complètent l’accompagnement (brocoli, carottes et champignons). J’ai mon sourire des beaux jours, et pas seulement parce que l’assiette est grande et bien garnie. Imaginez cet émincé bien aromatisé d’herbes: une viande succulente et tendre, en minces tranches amoncelées, mêlées de poivrons rouges et verts, de petits oignons blancs semblables à de grosses perles… Tout cela mouillé d’une courte sauce au foie gras et porto. Le pied!… Les deux!… De loin en loin, il me faut quelques secondes de répit. Trop intense!… Quelques frites mayo pour donner le change, et c’est reparti. Comme j’ai juré de ne rien laisser dans l’assiette, je parviens à convaincre mon amie de me prêter main-forte. Elle consent à m’"alléger" d’une bouchée, pas plus: sa propre assiette la réclame de toute urgence. Je déplore. Nouvelles gorgées de Voss en faisant lentement le tour du décor pour la nième fois, et rebelote! "Là, j’ai vraiment l’appétit à quatre pattes", dis-je à mon amie, qui éclate de rire. Cafés allongés et langues-de-chat nous suffisent pour conclure.

Le Charbon
450, rue de la Gare-du-Palais, Québec
Téléphone: 418 522-0133
Menu du jour: 12 à 20 $
Table d’hôte: 34 à 59 $
Dîner pour deux (incluant boissons et taxes): 49,11 $

Cuisine:

Légende /
grande table : 5 étoiles
très bonne table, constante : 4 étoiles
bonne table : 3 étoiles
petite table sympathique : 2 étoiles
correcte mais inégale : 1 étoile