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Alcools : Avec ou sans AOC

Plusieurs consommateurs croient à tort que les vins affichant une appellation d’origine contrôlée sont meilleurs que les vins de table ou les vins de pays. Je l’admets, c’est sécurisant d’avoir l’entité géographique précise des vignes qui ont servi à élaborer le vin qui est dans la bouteille, mais à part ça…

En fouillant en succursale, vous trouverez de plus en plus de ces fameux vins de pays; qu’ils soient départementaux ou régionaux, ces vins peuvent réserver de bien belles surprises. Ils sont souvent issus du sud de la France, dans le Languedoc-Roussillon, mais aussi d’Espagne, les Vino de la Tierra, ou d’Italie, les indicazione geografica typica. Quand ces vins n’utilisent pas les cépages autorisés par le décret d’application ou que la zone géographique n’est pas reconnue pour le statut d’AOC, ils perdent le droit de la revendiquer. Le cabernet sauvignon par exemple donne d’excellents résultats dans plusieurs endroits longeant le bassin méditerranéen, mais il n’est pas autorisé partout dans ces régions; les vignerons qui l’utilisent quand même tassent donc du revers de la main l’AOC. C’est bien sûr un exemple, car de nombreuses autres variétés de raisins ne sont pas admises dans l’une ou l’autre des appellations du système de législation européen.

Le vin sera-t-il moins bon s’il ne possède pas d’appellation? Loin de là! Prenez pour exemple les très recherchés "super-toscans" des années 80, ils étaient pour la plupart des vino da tavola (des vins de table). Pourtant, je vous mets au défi de mettre la main sur un Sassicaia de ces années à moins de 500 $ la "quille"! Le refus d’utiliser l’appellation donne droit à une meilleure créativité de l’oenologue quant à l’assemblage, car l’Union européenne ferme les yeux sur une panoplie de cépages qui sont aptes à produire de très beaux produits, mais qui ne sont pas permis par la législation. Question de paperasse administrative, j’imagine… Vous pourrez donc mettre la main sans crainte sur des vins de pays ou même des vins de table de première qualité, sans avoir peur d’acheter une piquette trafiquée ou additionnée de sucre de betterave, avec la mention Bourgogne ou Bordeaux, comme on en voyait au début du 20e siècle.

Rappelons-nous que le système législatif français (INAO, Institut national des appellations d’origine) a été créé dans les années 30 dans le but de stopper les nombreuses fraudes entourant le vin, qui faisaient bien sûr très mal à l’exportation. C’est en 1936 que la première AOC a vu le jour, il s’agissait de l’appellation Arbois dans le Jura (où Louis Pasteur travailla toute sa vie). À ce jour, en France, plus de 400 appellations existent pour les vins, une quarantaine pour les fromages, quelques-unes pour les huiles d’olive, et saviez-vous que le poulet de Bresse et le taureau de Camargue sont aussi en appellation?

LE VIN DE LA SEMAINE

Voici un très bel exemple de vin sans appellation! Nous sommes dans le sud-est de la France avec ce vin de pays de l’Aude 2006 de Jean-Noël Bousquet. Il est fait de syrah et de carignan, qui furent vendangés lors de la cueillette 2006. Sa coloration est passablement foncée, le vin est clair et limpide. Un premier nez timide, le vin a besoin d’air (c’est pour cette raison que je goûte toujours les échantillons une deuxième fois le lendemain). Il se comporte beaucoup mieux ce matin, la cerise noire, la framboise, bref un panier de petits fruits. La bouche est de bonne tenue, les tanins sont assez serrés, le vin est bon. Comme à l’habitude, la chronique vin du journal Voir vous propose des produits abordables, vous n’aurez donc qu’à débourser un petit 9,20 $ (573410). J’aurais facilement payé 13-14 $ pour ce type de vin. Servir à 16 degrés, sur un pain de viande de gibier sauvage.