Au début des années 60, la rue Crescent était loin d’être l’artère fréquentée qu’on connaît aujourd’hui; très peu de bars et de restaurants y avaient pignon sur rue. À l’époque, c’est sans doute le calme de ce recoin du centre-ville qui avait séduit les trois associés qui choisirent d’établir leur commerce dans un demi-sous-sol plutôt discret.
Les années ont passé, le quartier a subi une métamorphose extrême, mais La Troïka niche toujours dans le même local. Seul changement majeur mise à part la cure de jeunesse que les lieux ont subie il y a environ 10 ans: la clientèle qui prend aujourd’hui place dans cette chic salle à manger rouge et or, parée d’immenses miroirs, se compose d’une plus grande part de touristes.
Bien qu’il n’y était pas à l’époque, le chef Jérôme Boully parle des années 80 comme la plus belle période de l’établissement: "Il s’agissait de l’un des restaurants les plus populaires à Montréal; les gens de la télé et les politiciens le visitaient régulièrement. C’était vraiment LA place. Aujourd’hui, il n’est toutefois pas rare d’y voir des joueurs de hockey."
L’homme se rappelle aussi qu’à son entrée en fonction, il y a une quinzaine d’années, environ 40 kilos de caviar y étaient servis par année. L’engouement pour le caviar s’est depuis estompé en raison de l’effarante montée des prix. Mais même si le produit a perdu en popularité, La Troïka demeure toujours en ce sens la destination par excellence avec une sélection de caviars iraniens et canadiens. On le présente de la manière la plus classique, soit accompagné de crème sûre et de blinis. Présenté sur de chic présentoirs en argent, on le sert avec des cuillères en nacre. Même s’il préfère apprêter ce mythique produit de la manière la plus authentique, le chef se permet néanmoins quelques relectures et l’incorpore à des recettes telles qu’à des tagliatelles au saumon fumé.
Le restaurant propose certes des plats traditionnels russes (borsch, poissons fumés et marinés, boeuf Strogonoff, poulet à la Kiev), mais également français. "On ne pourrait pas offrir une carte exclusivement russe, car ce serait beaucoup trop riche et trop lourd. C’est pour cette raison que l’on préconise aussi une touche française. Mais quand des clients me demandent un menu totalement russe, je le fais avec plaisir."
Ce mariage entre la gastronomie russe et la tradition française semble d’ailleurs en être un qui va de soi depuis belle lurette. "Beaucoup des grands chefs de l’époque des tsars étaient des Français, affirme le chef d’origine française. D’ailleurs, vous savez qui a inventé un plat aussi typiquement russe que le boeuf Strogonoff? Un Français! On dit qu’un tsar ne pouvant pas manger sa viande entière la faisait couper en lanières par son cuisinier qui était français."
RECETTE /
Boeuf Strogonoff
Pour 4 personnes
Ingrédients
600 gr de filet de boeuf coupé en lamelles
1 cuillère à thé de moutarde
1 cuillère à thé de pâte de tomate
100 gr d’échalote sèche ciselée
200 gr de champignons au choix
200 ml de fond de veau
100 ml de crème fraîche
paprika
sel et poivre
Préparation
– Faire revenir à feu vif les lamelles de boeuf. La viande doit être saisie, mais encore saignante. Ajouter un peu de paprika, de sel et de poivre. Réserver.
– À feu moyen, faire sauter les champignons, puis ajouter les échalotes.
– Ajouter la pâte de tomate, la moutarde, puis le fond de veau.
– Laisser réduire de moitié.
– Ajouter la crème et laisser réduire jusqu’à ce que la préparation nappe le dos d’une cuillère.
– Ajuster l’assaisonnement.
– Incorporer au mélange la viande réservée.
– Servir immédiatement.
Servir avec des pâtes et des légumes en purée.