Ambiance des soirs de spectacle: personnel nombreux, salle bondée et rumeur sourdes de mille et une conversations qui s’enchevêtrent. Tout au fond, deux serveurs prennent livraison d’un empilement d’assiettes à peine arrivé des cuisines. Un autre s’active derrière le bar rutilant de verres et de bouteilles. Ici et là, on trinque, on mange, on rit. Nous avons un peu attendu sur le seuil, le temps pour le maître d’hôtel de placer les clients qui nous précédaient. Notre tour arrive et il ne reste plus qu’une petite table coincée près de l’entrée, où nous parvenons à nous installer en nous tortillant un peu. "On vous en trouve une autre dès que possible", nous promet le serveur qui s’empresse déjà auprès de nous. Mon amie se fait servir un Campari soda, je demande une Moretti. Nous trinquons et, deux ou trois gorgées plus tard, on nous annonce le "déménagement". Nous n’avons à trimballer que nous-mêmes; le reste suit.
Nous voici maintenant en plein milieu de la pièce, devant une grande table circulaire. Du coup, notre humeur s’épanouit et nos apéros ont meilleur goût. La table d’hôte nous fait les yeux doux et dévoile lentement ses charmes: panzinella classica del Toscano (coeur de romaine à la vinaigrette balsamique), anatra affumicata con salsa di fragole (aiguillettes de canard fumé, salade de fraises au vieux vinaigre de Modène), capesanti al tartufo don Camillo (sauté de pétoncles à la crème de truffe)… Entrées diverses, pasta, carpacci, risotti, viandes, poissons et fruits de mer se partagent les autres pages de la carte. "Si je peux vous suggérer…" dit notre serveur en revenant nous voir. Et, là, il nous vante les mérites d’une entrée de pétoncles qui a pour nom capesanti arrosti con miele e senape. Il y met tant de conviction que je me sens coupable d’avoir même songé à prendre autre chose. Mon amie s’est décidée pour le principal et s’interroge sur la pertinence d’une entrée de calmars frits. Je l’encourage à céder, prêt à la rescousse en cas de besoin. Et nos commandes filent à la cuisine.
Les calmars se présentent dans un grand cornet de papier blanc dressé dans un cône de fer forgé noir qui en épouse la forme. De part et d’autre du cône, deux "oreilles" servant chacune de support à un petit bol de sauce: tartare et salsa à la tomate. Les mollusques ont le moelleux que nous leur souhaitions. Ils sont de plus chauds, enrobés d’une très fine panure assaisonnée. "Il y en a beaucoup, hein!" J’acquiesce, car c’est le moins qu’on puisse dire. Mais ils ne se mangeront pas tout seuls, n’est-ce pas? Alors, allons-y de bon coeur!… À un certain moment, je me rends compte que ma propre entrée est encore intacte: cinq gros pétoncles entourés de sauce au miel et à la moutarde soigneusement dosée avec, en garniture, une tombée de tomates et des feuilles de basilic. Pétoncles fondants, sauce abondante et délicieuse, pain frais: on oublie vite que le plat principal est encore à venir.
Quand ce dernier s’amène, un peu plus tard, je le regarde avec une certaine incrédulité. Hérissé de moules et d’une pince de homard entourée de petites palourdes, ce plat de linguine à l’encre de seiche et aux tomates est l’un de mes préférés – bien que le goût de l’encre de seiche y soit moins prononcé depuis quelque temps. Je me suis laissé dire que certains clients trouvaient cela… "trop fort"! Mais il demeure un régal, surtout que les pâtes sont cuites à mon goût, que les fruits de mer respirent la fraîcheur et que l’assaisonnement, comme toujours, ne pèche ni par manque ni par excès (bien qu’un peu relevé). Une nième gorgée de valpolicella (Bolla, 2006), et mon amie soupire doucement en me signalant d’un geste sa grande assiette rectangulaire à laquelle je n’ai pas encore touché. Poivrons, carottes et oignon grillés, tête d’ail, haricots verts et penne Romanof font escorte à une paillarde de veau Boscaiola d’une tendreté… absolue. Il y a là de quoi passer sans heurt par toute une gamme de sensations, de textures et de saveurs, absolument indifférent à ce qui se passe autour de vous. Je reviens à mes linguine, je retourne à la paillarde et ainsi de suite. La salle s’est presque vidée d’un coup, ce qui n’est pas le cas pour nos assiettes où nous abandonnons, disons par politesse, quelques rares vestiges. Nous refusons en rafale l’offre d’un dessert, d’un café et d’un digestif. Nous nous promettons une de ces marches!
Ristorante Il Teatro
972, rue Saint-Jean
418 694-9996
Menu du jour à partir de 15 $
Table d’hôte: 26 à 32 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 99,68 $
Cuisine :
Légende /
grande table : 5 étoiles
très bonne table, constante : 4 étoiles
bonne table : 3 étoiles
petite table sympathique : 2 étoiles
correcte mais inégale : 1 étoile