Une semaine de fous, comme on dit, avec des horaires où vous tentez de vous caser avec l’habileté d’un contorsionniste. "Quelle corvée, hein!" avaient ironisé des amis à qui j’avais déclaré: "Il faut que j’aille au resto." Ils s’étaient mépris sur le ton, prenant ma fatigue pour un manque d’enthousiasme. Et pourtant!… Il m’est déjà arrivé de rechigner au moment d’aller dans un restaurant (mauvais souvenirs à l’appui), mais cela ne s’est jamais produit dans le cas de l’immuable Ciccio Café. L’accueil est invariablement cordial dans un décor qu’on retrouve tel qu’on l’avait vu la dernière fois: trois photographies monochromes, de grands miroirs et un bar qui ne laisse personne sur sa soif. Il est à peine 18h. Dans la salle déjà bondée, divers fumets se disputent les faveurs de mon odorat. Et nous les regardons passer, mon amie et moi, ces plats, ces assiettes creuses, ces bols – prosciutto et melon, suprême de saumon, salades, crevettes au curry rouge, minestrone… Nous levons nos verres, pineau des Charentes et Stella Artois, et trinquons à notre halte d’un soir. Nous avons tout notre temps pour choisir, changer d’idée, douter, changer encore d’idée. Ainsi passons-nous en revue le panaché de mesclun, la terrine de canard aux pruneaux et ses confits, la fondue aux trois fromages, l’entrecôte au poivre, l’escalope de veau charcutière. Je m’attarde particulièrement du côté de la bavette de bison, de l’osso buco et de la volaille; mon amie revient invariablement aux pastas. Au terme de nos tergiversations, elle opte pour une entrée de martabak, ce petit délice que l’un de nous se fait toujours un plaisir de commander. Une sauce aigre-douce typiquement asiatique en imprègne la croûte mince et, à chaque bouchée, nuance quelque peu le goût de la farce principalement composée de porc, crevettes, gingembre et huile de sésame. Elle n’affecte pas outre mesure la délicatesse du petit vin toscan (Bonizio Sangiovese, Cecchi, 2005) dont mon amie commandera plus tard un second verre. Mon entrée est une copieuse combinaison de ris de veau, de lardons et de champignons débordant d’un feuilleté (un peu raide) dressé au milieu de l’assiette. Une sauce, aigre-douce elle aussi, s’étale autour. "C’est pas juste de la déco, tu sais", rappelle mon amie en me voyant repousser les endives qui garnissent mon assiette. Je sais, mais, question bouffe, je ne suis pas très écolo, si l’on peut dire. Elle rigole. On lui apporte bientôt un petit bol de Crécy parfumé, fait d’un bouillon bien goûteux. Un peu plus tard, elle accueille avec le même enthousiasme ses linguines Ciccio: champignons, pesto, tomates… et une grande pluie de parmesan râpé que notre serveur fait tomber délicatement dans l’assiette. C’est d’abord le goût du pesto qui saute en bouche; d’autres saveurs se manifestent ensuite, avec de plus en plus d’assurance. Ces pâtes sont cuites, sans excès. Quant aux miennes, car j’ai pris des pennes carbonara, quelques minutes de cuisson supplémentaires leur auraient fait le plus grand bien. Trop al dente à mon goût! "C’est peut-être parce que tu n’aimes pas les pennes…" suggère mon vis-à-vis après y avoir goûté. Elle n’a peut-être pas tort, mais elle-même préfère les pâtes plutôt croquantes. Selon moi, la sauce a du mal à "s’accrocher". J’ai de loin en loin la vague impression de manger en même temps deux choses inconciliables: ces pastas d’un côté et, de l’autre, les très fines tranches courtes de pancetta nappées d’un liant crémeux et délicieux. La "jonction" finit par se faire, mais un peu tard, au moment où la bouchée s’apprête à céder la place à une autre. Quoi qu’il en soit, mon assiette repart presque vide. Mon amie se commande un café filtre; moi, un allongé. Et je me supplie de prendre quelque chose de sucré et finis par céder à la tentation d’une crème caramel – un flan léger comme une mélancolie et un caramel jaune d’or. Pour compléter la féerie, deux petites moitiés de gaufrette s’étendent de part et d’autre comme des ailes… Cette fois je me hâte, comme si je craignais que le dessert s’envole. À peine si je songe à goûter aux profiteroles qui se dégustent de l’autre côté de la table.
Ciccio Café
875, rue Claire-Fontaine
Québec (Québec)
Téléphone: 418 525-6161
Menu du jour à partir de 10,95 $
Table d’hôte: 23,95 à 33,95 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 87,64 $
Légende /
grande table : 5 étoiles
très bonne table, constante : 4 étoiles
bonne table : 3 étoiles
petite table sympathique : 2 étoiles
correcte mais inégale : 1 étoile