Il y a une vingtaine d’années, l’élaboration de son vin ou de sa bière chez soi était considérée par certains comme une tendance vouée à demeurer marginale. Malgré un parcours parfois en dents de scie, cette activité connaît un essor surprenant depuis 5 à 10 ans.
On trouve désormais des concentrés pour faire son vin jusque dans les grandes surfaces et les épiceries, signe que la tendance est loin de s’essouffler. Mais peut-on espérer y retrouver la même qualité que celle qu’offrent les boutiques spécialisées? "Non", répond sans ambages Pierre Lortitch, conseiller depuis plus de 20 ans chez Vinestrie de Sherbrooke, entreprise qui s’apprête à célébrer ses 25 ans d’existence en mai prochain.
Selon lui, il existe quelques raisons qui expliquent l’évolution de ce marché. "Au départ, c’est sûr que l’une des premières raisons qui motivent les gens à faire leur vin, c’est l’économie d’argent. Mais les consommateurs sont désormais plus éclairés et exigeants qu’autrefois. Ils recherchent de la qualité. On ne peut pas négliger la matière première et ne payer que 30 $ pour son concentré, c’est le meilleur moyen d’être déçu", affirme celui qui voit régulièrement défiler dans sa boutique des gens n’ayant pas bénéficié de conseils rigoureux avant de démarrer leur production.
Il s’agit, selon M. Lortitch, d’une activité à la portée de tout le monde, pour peu qu’on respecte scrupuleusement les règles de propreté du matériel et de l’endroit. "Le matériel nécessaire (cuve primaire, tourie, densimètre, etc.) est loin d’être dispendieux, contrairement à ce qu’on pourrait penser. Cela peut aller de 55 à 75 $." Au total, le coût d’une bouteille de vin maison revient à moins de 5 $. Toujours selon lui, le profil de la clientèle a évolué avec les années. "Auparavant, c’étaient majoritairement des hommes qui faisaient leur bière ou leur vin, mais on voit de plus en plus de couples qui s’impliquent à toutes les étapes de la production, du choix du vin jusqu’à l’embouteillage."
Pour ceux qui aimeraient une telle activité, mais que l’exiguïté de leur logis retient de se lancer dans l’aventure, notons qu’il existe une solution. Quelques boutiques louent désormais l’espace et le matériel pour élaborer sa cuvée maison, un concept en plein essor.
Une autre raison qui explique la popularité grandissante de cette activité est l’apparition de nouveaux produits. On trouve désormais sur le marché des coolers, des portos, voire de proches parents du vin de glace. De plus, les personnes sensibles ou intolérantes aux sulfites aiment pouvoir contrôler davantage la présence de ces derniers, qui se retrouvent parfois en concentration plus grande dans certaines bouteilles vendues par la Société des alcools du Québec.
Les préjugés entourant la fabrication de son vin ou de sa bière maison ont toutefois la peau dure. "On rencontre encore des gens qui pensent que c’est fait avec de la poudre, mais c’est loin d’être le cas. Il y a 20 ans, la plupart des concentrés étaient préparés avec la même base de raisin, alors qu’on retrouve aujourd’hui une plus grande variété de cépages provenant d’origines diverses." Intarissable sur le sujet, M. Lortitch ne semble pas découragé par les réticences qu’il rencontre parfois. "On peut parfois berner gentiment quelqu’un qui prétend s’y connaître en vin en mettant sa cuvée maison dans une bouteille avec une autre étiquette." Les sceptiques seront confondus, pourrait-il rajouter…