Ma première visite ici remonte à deux ans et quelques jours. La Calebasse s’annonçait alors comme un restaurant africain. Sans renoncer à sa première vocation, elle a depuis rallié à sa cause des spécialités antillaises, notamment d’Haïti et de la République dominicaine. Je lui avais, dans ces pages, souhaité rigueur et constance; je constate aujourd’hui une nette amélioration de la cuisine en général: assaisonnement soutenu, saveurs plus franches, aucun excès d’épices ou de cuisson. L’établissement propose également un service de traiteur. À notre arrivée, un client installé près de l’entrée examinait avec satisfaction le squelette entier du poisson dont il venait de se régaler… L’image me hante encore la rétine, profondément, jusqu’aux glandes salivaires. Mais ce plat ne figure pas sur les différents menus de la semaine. Je commence donc à m’intéresser au ndolé (viande, poisson ou fruits de mer), au yassa de poulet, au matoutou, au mafé (poulet aux arachides), au griot de porc haïtien et au pollo guisado dominicain. Sambos et salade de tomates au gingembre font partie des entrées. Un apéro s’impose de lui-même après ce premier survol. Ce sera, pour mon amie comme pour moi, une blonde de La Barberie à la lime et au gingembre. Deux clientes entrent, accompagnées d’une fillette, et vont prendre place dans la seconde partie de la salle à manger. Puis un couple, qui s’installe non loin de nous. La musique, jusqu’ici instrumentale, cède la place à du reggae – Alpha Blondy chantant en dioula et en français. La serveuse répond à un petit geste de ma part et s’approche, le visage ensoleillé d’un sourire. Elle nous décrit les plats avec précision et, de fil en aiguille, j’apprends que, mêmes absentes de la carte, les grillades sont toujours disponibles le soir: poulet, poisson… En ce qui concerne ce dernier, nous avons le choix entre le filet de mérou et le tilapia entier. Va pour l’entier! Je me remercie de mon choix par une bonne rasade de bière! Mon amie a choisi des sambos, délicieux petits pâtés garnis d’une farce de poulet aux oignons verts et escortés d’une mayonnaise… volcanique. Une apaisante salade de laitue et de tomates les accompagne. J’ai préféré la soupe de courge – veloutée, chaude, d’une belle couleur orangée. On y repère quelques morceaux d’oignons, de carottes, de chou… Ça se mange en vrac, sans effort, l’optimisme au beau fixe. On nous avait prévenus que le poisson se ferait attendre un peu: le temps de le préparer, de mariner un peu, de l’apprêter… J’imagine chaque étape, tout en conversant avec mon amie. C’est maintenant La Démocratie bananière que chante Alpha Blondy, et il y a justement de la friture de bananes plantain mûres dans nos assiettes. J’ai droit à un poisson vraiment entier, tête incluse. Et jusqu’à la queue, il se couvre d’une épaisse sauce rouge – une purée de tomates qui fleure et goûte bon les aromates, laissant poindre l’indispensable petite touche d’acidité. Que m’importe alors la semoule (quoique de bon goût)? Que m’importent les petits légumes, poivron vert, tomates, oignons? C’est un tilapia de belle venue, presque plantureux. Sa chair ferme n’en reste pas moins délicate, et savoureuse même sans la sauce. Elle évoque par son odeur la marée fraîche, celle qui frétillait encore quelques minutes avant de passer sur le gril… "Tu ne fantasmes pas un peu, là?" demande mon amie. Je l’invite à juger. Son "ah?" étonné me donne raison. À mon tour de vérifier ce qui se passe de son côté: de la salade (laitue et avocat) et deux monticules de riz dans une première assiette; dans la seconde, creuse, deux morceaux de poulet dodus (on les croirait farcis!) dressés au milieu d’une petite mer de sauce. Une purée de piments se présente à part, dans un minuscule récipient. Je laisse vagabonder ma fourchette dans tout cela, puis reviens à mon poisson. Long à manger! "Il y en a, là-dedans!" dis-je pour souffler. Je viens aisément à bout du premier côté et retourne la pièce pour attaquer l’autre flanc. Je n’ai pas à me forcer. L’"entreprise" dure quand même un bout de temps avant que je me décide… à déclarer forfait. Pour dire vrai, il ne reste pas de quoi composer un doggie-bag. Les desserts? Bien sûr, mais nous les emporterons. Pour mon amie, un tapioca au lait de coco. Pour moi, ce black cake roboratif dont j’ai déjà fait l’expérience. Il y entre des fruits séchés, des oeufs, des noix, du vin et du café. Il est arrosé d’un coulis de fruits tropicaux… et vous roucoulez à chaque bouchée.
Restaurant La Calebasse
220, rue Saint-Vallier Ouest
Québec (Québec)
Téléphone: 418 523-2959
Menu du midi: 9,95 $
Table d’hôte: 16,95 $
Souper pour deux (incluant boissons et taxes): 46,17 $
Légende /
grande table : 5 étoiles
très bonne table, constante : 4 étoiles
bonne table : 3 étoiles
petite table sympathique : 2 étoiles
correcte mais inégale : 1 étoile