Restos / Bars

Graffiti : Séduire à dessein

Graffiti propose une carte assez variée pour plaire à tous les goûts et convenir à toutes les occasions.

C’est ce que j’appelle un midi sage, c’est-à-dire sans excès d’aucune sorte, mais seulement le plaisir de bien manger. Nos envies auraient été autres que nous aurions tout de même pu trouver, au menu du jour, de quoi "accoter" notre faim et notre humeur. La salle est bondée: tables d’hommes, tables de femmes, quelques couples et peu de groupes mixtes. De loin, je distingue aussi quelques têtes dans l’allée-véranda qui tient lieu de terrasse.

Autour de nous, la faim se manifeste sous toutes ses nuances. Jardinière, maraîchère ou carnassière, elle se délecte de ses proies avec application: salade sol y mar (saumon fumé, agrumes, huile d’olive), salade tiède de crevettes (baies roses et vinaigre de framboise), entrecôte de boeuf Angus grillée forestière, boston d’agneau aux fines herbes. Les conversations vont bon train. Installés au fond de la pièce et faisant face à l’entrée, des amis nous ont vus arriver et se sont levés. Négligeant un moment la table qui nous était réservée, nous avons bavardé, debout au milieu du ballet des serveuses et des serveurs qui tâchent d’être partout à la fois, vu l’affluence.

Quand nous avons pris place, ce fut à notre tour d’être l’objet de toutes les attentions. La carte, les verres d’eau et toutim. Puis le verre de rouge bientôt servi à mon amie, qui avait commandé du rosé. Excuses de notre serveuse, qui s’empresse, s’en va, revient avec un verre de rosé sicilien (La Mura). Moi, je carbure à l’eau claire et plate. "Les assiettes sont vraiment belles", constate mon amie à haute voix. Elles sont aussi colorées – sans doute pour évoquer en tout temps l’été. À part ce que nous avons jusqu’ici zyeuté d’une table à l’autre, qu’a donc apprêté le chef aujourd’hui? Nous survolons les pennes à la pancetta, tomates séchées, olives noires et pesto, assortiment du fumoir (saumon, thon et maquereau), escalope de veau parmigiana, tartare de boeuf. Nous nous risquons ensuite jusqu’à la table d’hôte du soir – tournedos de thon, côte de veau en croûte d’amandes… – avant de nous rabattre sur les plats à la carte.

Nous inspirant de ces derniers et du menu du jour, nous nous composons un menu au gré de notre fantaisie. Mon amie commence par une salade tiède de ris de veau au vinaigre. L’assiette, joliment présentée, se pare de radicchio, de tomates, concombres, endives, ficelles de carottes et morceaux de pomme accompagnant de grosses noix de ris de veau moelleuses. L’ensemble se révèle aussi gourmand qu’alléchant, bien que je trouve un peu trop soutenue la note d’acidité de la sauce (par ailleurs légèrement caramélisée et de bon goût). Mon consommé de boeuf aux profiteroles me déçoit: ces dernières ont certainement absorbé tout l’alcool utilisé dans la préparation; un vrai choc quand on ne s’y attend pas. Le liquide lui-même se révèle un peu trop salé.

Les choses se replacent au service suivant. Les tagliatelles sont au homard, pétoncles, crevettes et petits légumes. Une pince de homard décortiquée se dresse dessus comme un pompon: mon amie n’en fait qu’une bouchée, puis, de sa fourchette, elle remue très légèrement ses pâtes pour leur permettre d’exhaler leur trop-plein de vapeur. L’ustensile se fait soudain plus inquisiteur, plonge et remonte chargé en direction d’une bouche qui l’attend impatiemment. Le petit soupir que je crois percevoir me renseigne sur la réussite du plat, excite ma curiosité – bien vite récompensée. Cela vaut en effet quelques soupirs de satisfaction. Rien à redire de la sauce, de l’assaisonnement ou de la cuisson des pâtes. Cheveux d’ange et brocoli escortent mon filet de bassa recouvert d’une tombée de poireaux et mouillé d’un beurre de crustacés… voluptueux. La chair blanche du poisson se défait aisément sous la fourchette. Elle révèle en bouche sa texture fine et une délicatesse de saveur qu’aurait masquée une sauce plus relevée. Mais là, c’est un mariage d’amour qui se consomme avec autant de plaisir que de lenteur. Au moment du café, je suis certain qu’il faut aussi conclure par un dessert. Mais j’hésite si longtemps entre la tarte aux fruits ("Feuilleté chef") et la crème brûlée que mon amie intervient pour me tirer d’embarras. L’un des deux pour chacun de nous. Lequel pour qui? Peu importe. Nous prenons plaisir à l’ignorer… jusqu’aux dernières bouchées qui nous laissent sur les lèvres un sourire qui tarde à s’effacer.

Restaurant Graffiti
1191, avenue Cartier
Québec
Tél.: 418 529-4949
Menu du jour: 12,95 à 22,75 $
Table d’hôte: 28,75 à 42,25 $
Dîner pour deux (incluant boisson et taxes): 54,46 $

Légende /
grande table : 5 étoiles
très bonne table, constante : 4 étoiles
bonne table : 3 étoiles
petite table sympathique : 2 étoiles
correcte mais inégale : 1 étoile