Le vitrage donnant sur la rue laisse entrer un peu de jour ensoleillé. Entre lui et moi, une petite tablée de clients loquaces m’obstrue partiellement la vue. Entre les têtes qui bougent, je distingue de loin en loin des passants – ceux qui ne s’arrêtent pas et ceux qui s’immobilisent un instant pour lire les menus affichés devant l’entrée de l’établissement: pollo manchamanteles, taquitos flaütas (tacos roulés, frits et farcis de poulet), plato mixto de volaille, saucisse et crevettes, fajitas Caramba pour deux (avec riz, salade, guacamole, crème sure)… Quoique je guette son arrivée, je n’aperçois mon invitée qu’au moment où elle franchit le seuil de la salle à manger. Une amie que je n’avais pas revue depuis une petite éternité! Effusions brèves et questions rituelles sur ce que nous devenons par les temps qui courent – parfois un peu trop vite. Le serveur s’est précipité. Nous ne nous intéressons pas tout de suite aux cartes maintenant ouvertes devant nous. Deux Dos Equis feront l’affaire pour l’instant. "C’est très décoré", commente mon invitée en faisant du regard le tour de la pièce. L’atmosphère se veut fiesta, en effet, et le mot lui-même figure en deux ou trois endroits. Ici, une pignata en forme d’étoile tient lieu de lustre; là, des masques colorés exposés dans une vitrine; là encore, des sombreros. Accroché au mur, à ma gauche, El Vendedora de flores, de Diego Rivera. D’autres tableaux, également laminés, ornent d’autres murs. Au fond, dans la seconde partie de la salle à manger, ce sont des banderoles tendues dans un décor profus de couleurs. L’odeur des plats déjà servis interrompt brusquement notre tour d’horizon et nous rappelle l’existence de la carte. Un coup d’oeil, et mon invitée m’annonce qu’elle a fait son choix. C’est aussi mon cas. En attendant que nous soyons servis, je demande à consulter la carte du soir. Après les crevettes sautées à l’ail, la paëlla espagnole, le jarret d’agneau braisé aux trois piments et d’autres délices plus ou moins torrides (platos fuertes, paëlla Caramba, pollo Yucatán, etc.), on aboutit à la série des cocktails exotiques, dont la margarita, la limonade électrique et la cucaracha. Mais voici nos premiers plats. Pour mon invitée, des crevettes en escabèche emplissant une petite coupe et accompagnées de nachos. "C’est bien relevé", dit-elle après les deux premières bouchées. Un peu plus tard, elle déclare avec un large sourire: "Ça monte dans les yeux!" Je connais ce plat pour y avoir déjà goûté, lors d’une visite qui remonte à quelques années. Pour le moment, je me contente d’un potage aux carottes, à peine relevé et délicieusement aromatisé. On nous a aussi apporté deux petits pains, chacun dans un sac brun à sa mesure. "C’est pour emporter?" rigole mon invitée en scellant d’un coup de dents le sort de sa dernière crevette. Entre-temps, le restaurant s’est rempli. Dans la partie du fond, un groupe de jeunes clients pratique son espagnol en compagnie d’une prof. Au service suivant, nos narines se grisent d’autres fumets. D’abord, ceux du pollo manchamanteles qui vous insufflent une vague nostalgie tropicale. Riz et salade (carottes, feuilles de chêne, laitue…) complètent ce poulet aux ananas qui, moins relevé que l’entrée de crevettes, n’en fait pas moins le bonheur de mon invitée. J’ai pour ma part choisi le pescado Tikin-Xic, plat typique du Yucatán: poisson blanc longuement mariné, puis cuit emmailloté d’épices. Ce resto utilise plutôt du saumon et, ce midi, j’ai demandé une variante: l’ajout d’un beurre citronné, histoire d’"apaiser" l’assaisonnement. J’ai beau me croire en appétit, j’ai du mal à rivaliser avec l’allure imperturbable de mon invitée. Mais son exemple m’influence favorablement. Trop. Car, malgré mes velléités de dessert et la description que fait notre serveur de trois gâteaux maison, je ne peux plus absorber qu’un café. J’encourage mon invitée à se laisser tenter, ne serait-ce que pour sauver l’honneur de notre tablée. "Excellent!" s’exclame-t-elle dès la première bouchée de gâteau au chocolat noir. Entre deux gorgées de café, elle m’en décrit la texture, le moelleux… J’essaie de ne pas trop y penser, déjà que je commence à éprouver quelques remords…
Bistro Caramba!
1155, rue De La Chevrotière
Québec (Québec)
Téléphone: 418 523-9191
Menu du jour: 11,99 à 17,99 $
Table d’hôte: 23,95 à 26,95 $
Dîner pour deux (incluant boissons et taxes): 49,07 $
Légende /
grande table : 5 étoiles
très bonne table, constante : 4 étoiles
bonne table : 3 étoiles
petite table sympathique : 2 étoiles
correcte mais inégale : 1 étoile